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transformer, soit en Italie, soit dans l’ancienne Austrasie, le souhait des regrets en un fait accompli, et voilà justement comme on écrit l’histoire, — car entre les simoniaques ou les schismatiques et les grégoriens déclarés il est resté une portion notable de l’église qui a gémi de la lutte entre le sacerdoce et l’empire, attribuant à chacun une part de droit et de tort, persuadée par conséquent que Grégoire avait pu quelquefois excéder les bornes ; comment ne le pas croire après Canosse par exemple ? De cette opinion furent plusieurs cardinaux parmi les contemporains, nombre de prélats non simoniaques en Italie, en France, en Allemagne, et plus d’un moine resté indépendant au milieu du mouvement général des monastères, tel que l’auteur problématique du de Vita Heinrici IV, dont nous parlerons en son lieu. Cette opinion a été celle de la majorité du clergé français au XVIe siècle, de tout le clergé français au XVIIe et au XVIIIe siècle ; elle était celle de nos grands bénédictins du XVIIIe siècle, celle du savant et pieux Muratori, écrivant à la même époque au milieu d’un pays catholique fort éclairé[1]. De cette opinion a pu donc être Sigebert de Gembloux, et je n’en doute même pas. Il a dû accueillir avec une propension favorable le renseignement écrit qui lui était transmis. On n’a aucun reproche à faire à sa véracité ; il a rapporté ce qu’il savait, et il en a indiqué la source incertaine. Il faut être homme de parti pour s’en irriter, d’autant plus que d’autres moines des mêmes contrées et d’un pays voisin confirment la même tradition dans leurs chroniques, je veux parler d’Albéric indûment surnommé des Trois-Fontaines[2] et de Florent de Wigorn[3], lesquels ont reproduit l’indication de Sigebert. Que si l’on veut remonter à la source d’où est venu le document au moine de Gembloux, je crois l’avoir découverte dans le pamphlet du cardinal Bennon : Vita et gesta Hildebrandi, dont on a vainement au XVIe siècle contesté l’authenticité, laquelle est aujourd’hui démontrée par l’existence de manuscrits du XIIe et du XIIIe siècle, conservés à Bruxelles et au British Museum[4]. Sigebert est mort en 1112, le cardinal Bennon en 1098. Eh bien ! le pamphlet de ce

  1. « Si les moyens qu’il mit en œuvre pour arriver à la fin louable qu’il se proposait sont tous aussi dignes de louange, c’est ce que ma vénération pour les chefs de l’église et mon peu de lumières ne me permettent pas de vouloir décider. » Annales d’Ital. sur l’an 1085. Les bénédictins, dans l’Art de vérifier les dates, t. Ier, sont encore plus catégoriques. Voyez aussi Saint-Marc, Hist. d’Italie, III, p. 1.
  2. Voyez le texte d’Albérie dans les Accessiones historicœ de Leibniz, I, sur l’an 1085.
  3. Voyez l’annotation savante de M. Bethmann sur Sigebert, dans Pertz, VI, p. 365. Florent de Wigorn tenait le document d’une source particulière. Il faut lire son texte dans le tome Ier des Monutn. hist. brit. publiés par la commission des Records ; cf. Pertz, V, 564.
  4. Voyez Pertz, Archiv., VIII, 872, et Potthast, p. 104.