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commençait par froncer le sourcil et ne se déridait qu’à la fin, quand le faux caïd dépouille sa souquenille et se montre aux regards éblouis dans toute la pompe des sultans : Almaviva io son, e non Lindoro ! Du reste, au cas où les scrupules historiques de M. Faure se prolongeraient, il serait trës facile de s’adresser à M. Bouhy, un baryton déjà connu à l’Opéra, et dont les quelques représentations de César de Bazan mettaient naguère en évidence le talent jeune et plein d’avenir.

Jeanne d’Arc sera donnée en novembre ou décembre, presque au lendemain de la libération du territoire. Le ballet qui se répète en ce moment et l’ouvrage de M. Mermet une fois livrés au public, l’administration nouvelle aura tenu pour cette année tous ses engagemens. Plus tard, il nous sera permis de réclamer davantage. Remplir purement et simplement les conditions du cahier des charges, est-ce assez ? Nous continuons trop à vivre sous l’influence des vieilles habitudes monarchiques. Ces opéras qui prennent quinze mois à se monter, ces reprises laborieuses dont on grossit à plaisir l’importance pour n’avoir point à donner de nouveautés, toute cette machinerie, tout cet outillage, se ressentent du fatras officiel d’autrefois. Il s’agit d’avoir le ton plus dégagé, de se mouvoir moins lourdement. Faire bien ne suffit pas, tâchons aussi de faire vite. La scène est un peu comme la nature : abhorret a viduo ; tenons toujours quelque chose en réserve. On savait d’avance par exemple que le congé de M. Faure arrêterait la Coupe du roi de Thulé, il était non moins facile de prévoir que les répétitions de Jeanne d’Arc ne commenceraient guère avant le milieu de mai ; il y avait donc là un espace de deux à trois mois qu’on aurait pu très bien utiliser au profit d’un petit ouvrage hors de cadre et destiné à servir aux combinaisons d’une affiche d’été. Et puis les grands ancêtres ne demandent-ils pas également qu’on fasse quelque chose pour eux ? Siéger sous les marbres du portique ne les contente pas ; Gluck et Spontini réclament leur place dans le répertoire. Quant à l’objection, elle est connue, et nous allons au-devant. Oui certes, remonter la Vestale ou Fernand Cortez, remettre Armide dans ses meubles est une grosse affaire ; après tout ce temps et tout cet argent dépensés, qui répondra de la recette ? Peut-être bien qu’en cherchant on découvrirait un moyen terme : j’entreverrais par exemple à certains dimanches de grands concerts « à spectacle » dont le programme se composerait tantôt d’un acte d’Orphée et d’un acte de la Vestale, tantôt de fragmens d’Armide et de Fernand Cortez, avec l’ouverture d’Iphigénie en Tauride ou le finale de Fidelio pour intermède, tout cela dramatiquement exposé en plein éclat de costumes, de décors et de mise en scène. Haendel aurait par occasion voix au chapitre, et le public courrait à la Fête d’Alexandre comme on court à l’opéra nouveau.

Je parle de Hændel ; ce nom illustre en évoque un autre fort modeste, celui du plus fervent et du plus intelligent des disciples et