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vienne l’opinion devant ce spectacle ? Elle se laisse gagner par l’indécision et l’inquiétude, elle est déconcertée par des incidens qu’elle ne comprend pas, elle ne se sent pas conduite, et un jour de vote elle jette dans une urne un bulletin qui n’est que le résumé de ses incertitudes et de ses impatiences.

Le gouvernement a sa part tout aussi bien que l’assemblée dans ces mécomptes, qui sont quelquefois l’ennui des pouvoirs politiques. Il peut se demander s’il n’y a pas contribué par ses fluctuations, par ses voyages à travers tous les partis, s’il a toujours mis un soin suffisant à rallier tous les élémens d’une majorité dans laquelle il devait trouver sa force. Sans doute, lorsque des accidens comme celui du 27 avril sont arrivés, il est assez commode pour un gouvernement de se dire qu’il n’y est pour rien, et d’écouter ceux qui lui répètent qu’il est complètement désintéressé dans la question, qu’on n’a pas voté contre lui. Ce serait cependant une étrange illusion de trop se laisser aller à ces flatteuses complaisances de langage, et ce serait une erreur plus singulière encore de ne voir dans la dernière élection qu’une raison de répondre par des concessions aux avances intéressées des vainqueurs d’un jour. M. le président de la république a l’esprit trop clairvoyant et trop sûr pour s’y laisser tromper. Qu’un gouvernement reste impartial entre les opinions, qu’il ne se laisse pas transformer en pouvoir de parti ou de combat, rien de mieux assurément ; mais l’impartialité, c’est de la modération, et quand on est un gouvernement de modération, on doit nécessairement s’entendre avec les modérés, et avec ceux-là seulement, parce qu’avec eux ; seuls on peut diriger les affaires d’un pays. Le gouvernement le sait bien, il ne quittera pas un terrain où il est toujours sûr de retrouver tous les élémens conservateurs modérés, qui n’ont besoin que d’être ralliés et dirigés.

Quant au parti conservateur qui est dans l’assemblée et qui se compose de bien des fractions diverses, il n’a qu’à s’interroger, il peut faire son examen de conscience à la lumière du vote du 27 avril, il en viendra peut-être à s’avouer à lui-même qu’il y est pour quelque chose. A quoi passe-t-il son temps en effet depuis un an, surtout depuis quelques mois ? Il vit au milieu de tous les fractionnemens, de toutes les divisions, il se consume dans sa mauvaise humeur et dans ses inquiétudes. Sous prétexte de poursuivre ce qu’il ne peut réaliser, il laisse de côté ce qui serait possible et efficace. Il s’épuise en brouilleries et en réconciliations avec le gouvernement. On se querelle, on s’aigrit de part et d’autre, et on ne fait rien. Le moment est venu d’en finir avec cette singulière politique, où toutes les forces se perdent, de se rapprocher sérieusement non pas pour se laisser entraîner à des réactions qui n’ont jamais servi à rien, mais pour combiner un système de conduite mieux coordonné, pour reprendre ensemble la direction du pays. Le terrain