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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/321

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entrer en lutte avec la royauté, substituer peu à peu à l’autorité royale leur propre autorité, puis ne savoir user du pouvoir absolu que pour tomber dans les mêmes fautes, dans les mêmes désordres, dans les mêmes abus, on peut craindre un instant qu’ils ne s’abandonnent sans retour aux ambitieux qui les égarent. Heureusement le patriotisme réveille en eux la sagesse. Lorsque les meneurs des Parisiens, ceux-là mêmes qui d’abord avaient guidé les états dans la voie de la réforme, font dégénérer cette révolution pacifique en une guerre civile, et, ne s’arrêtant ni devant l’émeute, ni devant l’assassinat, deviennent les complices du roi de Navarre, des Jacques et de l’Anglais, c’est dans les délégués des trois ordres, réunis cette fois à Compiègne, que le dauphin, en qui semble pour lors s’incarner la nationalité française, trouve un appui aussi ferme, aussi loyal qu’indépendant. Et à quelques mois de là la révolte vaincue et Paris rentré dans le devoir, ce sont eux encore qui, consultés par le dauphin sur le honteux traité de Londres, épargnent à la France la perte irréparable de la moitié occidentale de son territoire.

Ainsi la réconciliation semblait faite entre les états et la couronne. La loyauté des états de Compiègne compensait les excès des états de Paris, et le roi oubliait les injures du dauphin, puisqu’en 1367 à Chartres, pour organiser la défense du pays contre les grandes compagnies, en 1369 à Paris, pour consulter la nation sur la conduite qu’il convenait de tenir à l’égard de l’Angleterre, Charles V convoquait les états. Cependant, si ce monarque, justifiant à l’avance le surnom que lui a donné l’histoire, est assez sage pour oublier tous ses anciens griefs, les rois ses successeurs auront malheureusement la mémoire plus longue. Désormais la royauté verra dans les états-généraux un péril plutôt qu’un secours, et de longs intervalles sépareront les réunions des trois ordres.

De 13691 à 1412, point de grande session. Malgré un changement de règne, et au milieu des querelles des oncles du roi, des luttes des factions, des émeutes des maillotins, c’est tout au plus si durant tout ce temps quelques assemblées de notables conservent la tradition de l’appel au pays, mais ne savent opposer au désordre des financiers et aux violences des princes que la plus désolante inertie. En 1412 pourtant, sous la menace d’une nouvelle invasion anglaisa, l’incapable Charles VI a recours aux états-généraux. Il entend alors de la bouche des délégués du clergé et de l’Université, qui s’est jointe au mouvement général, de la bouche surtout d’un simple moine, Eustache de Pavilly, les plus énergiques remontrances. Finances, grands-officiers, conseil du roi, parlement, justice, sont l’objet d’accusations trop justifiées. Le roi lui-même ne peut se soustraire à l’évidence, il lui faut sévir contre les