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officiers prévaricateurs. Quelques semaines plus tard, une émeute des cabochiens lui arrache la sanction de la grande ordonnance qui porte la date du 25 mai 1413, et qui, codifiant en quelque sorte l’administration civile, promet aux sujets de toutes les classes des garanties contre l’oppression, l’injustice et l’abus de la force : conquête trop éphémère de l’opinion publique, puisqu’elle ne devait pas survivre aux désordres qui l’avaient par malheur accompagnée, et qu’à trois mois de là les princes, vainqueurs des écorcheurs et des cabochiens, comprenaient dans leurs proscriptions cette grande ordonnance, « combien, dit Juvénal des Ursins, combien qu’il y eût dedans de bonnes choses. »

Parlerons-nous de la triste assemblée qui, huit ans plus tard, en décembre 1420, se réunissait à Paris, et, docile instrument de l’Anglais victorieux, consacrait sans pudeur, avec le honteux traité de Troyes, la réunion définitive de la couronne de France à la couronne d’Angleterre ? Rappelons, pour l’honneur du nom français, combien de villes, combien de provinces, occupées par l’ennemi ou guerroyant contre lui, n’avaient sans doute ni pu, ni voulu se faire représenter, et refusons avec M. Picot, avec les historiens français, le titre d’états-généraux à ce simulacre d’assemblée.

Il serait consolant, à côté de ce navrant spectacle, d’arrêter longuement nos regards sur les nombreuses et patriotiques réunions qui marquent la première partie du règne de Charles VII. En treize années, de 1422 à 1435, neuf fois le jeune roi fait appel aux délégués des trois ordres, soit de la langue d’oil[1], soit des deux langues, du royaume entier[2]. Nous ne parlons même pas des états du Languedoc, qui, reprenant pour un temps leur ancienne importance, tenaient dans le même moment de non moins fréquentes assises. Et partout, au midi comme au nord, en langue d’oil ou en langue d’oc, représentans d’une région, ou représentans de la nation entière, partout les délégués montrent le même dévoûment au salut de la commune patrie. C’est à eux, disons-le hautement, c’est à leurs généreux efforts, à leur noble confiance, à leurs infatigables sacrifices, que la France doit de ne pas périr avant le moment suprême où surgit la vierge libératrice, et d’achever ensuite l’œuvre admirable de Jeanne d’Arc. C’est à eux encore que quatre années plus tard, en 1439, doit revenir, — les textes le prouvent, — l’honneur de la grande réforme qui, supprimant les compagnies libres, interdisant les guerres privées et prohibant les tailles seigneuriales, établissait avec l’unité de l’armée l’unité de l’impôt, — grande

  1. États de Bourges, 1422, de Selles, 1422, de Chinon, 1430.
  2. Mehun-sur-Yèvre, 1425, Chinon, 1427,1428, Sully-sur-Loire, 1429, Tours, 1433, 1435.