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net et particulièrement le ministre des finances pouvaient remarquer une certaine mollesse, des velléités de dissidence dans la majorité qui les soutenait. On avait de la peine à rallier cette majorité, dont les membres s’absentaient souvent de Rome, tandis que la gauche était toujours présente. M. Sella se plaignait spirituellement du sort qu’on lui faisait en diminuant toujours les recettes qu’il demandait et en augmentant les dépenses qu’il proposait. Il était d’autant plus porté à s’émouvoir de ces dispositions que d’ici à peu il a justement à demander à la chambre le vote de quelques augmentations de taxes sur les immeubles, sur les affaires, sur les tissus, en tout plus de 30 millions.

M. Sella, en homme résolu, préférait couper court aux difficultés par une retraite opportune ; mais les raisons financières n’étaient pas les seules, et c’est ici précisément qu’apparaît cet esprit politique dont nous parlions. On voyait arriver le moment où allait entrer définitivement en discussion la loi sur les corporations religieuses de Rome, loi toute politique, très délicate, qui touche non-seulement à la condition faite à la papauté résidant à Rome, dans ce grand centre de toutes les institutions religieuses, mais encore jusqu’à un certain point aux rapports du gouvernement italien avec les puissances catholiques. Or sur cette question même il y avait dans la majorité des apparences de scission qui, en se joignant à l’opposition déclarée de la gauche, pouvaient neutraliser les intentions de prudence et de ménagement manifestées par le cabinet. Si on s’exposait à une crise dans une discussion de ce genre, la situation s’aggravait aussitôt, la politique italienne pouvait être mise à une dangereuse épreuve. Le roi lui-même n’était plus libre, il allait se trouver dans l’alternative, de suivre les indications d’un vote parlementaire qui pouvait conduire à un ministère de la gauche ou de faire des élections à propos d’une question de nature à mettre aux prises toutes les passions publiques. Si on se retirait au contraire sous le coup d’un vote sans importance politique, on laissait une situation intacte ; le roi gardait toute sa liberté ; il pouvait même prendre un ministère nouveau dans les nuances d’opinions les plus modérées ; rien n’était compromis. C’est ainsi que le cabinet de MM. Lanza, Sella ; Visconti-Venosta, se considérait comme obligé de donner sa démission, et en cela il montrait certes la plus sérieuse prévoyance politique.

Qu’est-il arrivé cependant ? La roi, en vrai souverain constitutionnel, s’est empressé de faire appel aux principaux personnages parlementaires, aux leaders : des opinions diverses. Il a consulté un peu tout le monde, d’abord le vice-président de la chambre, M. Pisanelli, qui n’était point étranger à la crise, M. Ricasoli, M. Minghetti, M. Peruzzi, M. Rattazzi lui-même, et tous ces hommes se sont trouvés d’accord sur la nécessité du maintien du ministère. Le cabinet Lanza, rappelé par le roi, ne s’est point refusé à reprendre les affaires ; il a tenu néanmoins à ne point s’engager légèrement, il a voulu avant tout s’entendre avec les