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de cette mêlée de couleurs vives et douces, ne peuvent nous empêcher de reconnaître que les premiers plans sont un peu incertains ; et puis M. Masure commence à fatiguer parce qu’il se répète trop. — M. Lansyer, qui l’année dernière se promenait aussi sur la côte de Nice, est au contraire un talent jeune et varié, qui cherche encore sa voie, mais auquel il ne faut pas souhaiter de la trouver trop vite, car il doit à cette recherche même une grande partie de l’intérêt qui s’attache à ses œuvres. Ses Récifs de Kilvouarn ont un défaut choquant : les premiers plans, comme chez M. Masure et plus encore, manquent de vigueur et retombent sur les bords du cadre. Les eaux, d’une assez belle couleur, sont lourdes et massives ; la grosse vague qui ruisselle au premier plan sur les rochers est d’un mouvement épais et d’une forme compacte comme si elle roulait du plomb fondu ; enfin les récifs qui occupent la gauche de la toile, et qui sont d’une grande vérité, paraissent mous et sans consistance à côté de ces flots pesans, sur lesquels il semble qu’ils pourraient flotter comme un édifice de carton. Ces réserves faites, le paysage est grandiose et fièrement taillé. Ce qu’il y a d’écrasant dans ce ciel sombre, dans ces gros nuages pluvieux dont un pan traîne dans la mer, est fidèlement emprunté à la nature bretonne, et n’en exagère aucunement l’effet. Ce qu’il y a de lugubre et d’uniforme dans ce jour diffus et blafard qui se répand partout également sur les anfractuosités du rocher, sans y laisser nulle part une masse d’ombre ou de lumière, est aussi un hommage rendu à la vérité. Cette toile est belle malgré ses défauts, parce qu’elle est sincère. On peut en dire autant de l’Anse de Treffentec à la marée montante. Cette marée s’avance avec une lourdeur tout à fait invraisemblable ; mais la scène entière est disposée, éclairée, colorée avec une grande franchise, avec une mâle simplicité d’aspect. Une vaste mer, bleue vers l’horizon, verte aux premiers plans, un large ciel vif et pur que parcourent de petits nuages humides et fouettés par le vent, occupent les trois quarts du tableau ; à droite s’allonge une côte vivement éclairée, où le soleil brille implacablement sur les moissons et les cultures. La peinture de M. Lansyer, qui est encore imparfaite, a un mérite rare : elle a ce qu’on appelle en langage d’atelier un parti-pris.

C’est un peu ce qui manque à la toile de M. Wahlberg, un Jour d’octobre, — non pas qu’elle ne soit d’une grande puissance ; elle en a même trop, puisqu’elle n’en sait que faire, et que les premiers plans, malgré leur étonnante vigueur, ont peine à se soutenir au milieu de cette coloration brune et énergique. — L’Effet de lune dans le port de Waxholm n’a pas le même défaut, grâce à la coloration sombre que le sujet exige et que le peintre a su rendre