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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/251

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Il n’y aurait eu qu’un cri contre ce qu’on eût appelé une atteinte portée par le militarisme à l’intégrité, à l’inviolabilité de la garde nationale, qui seule devait sauver Paris ! On retombait alors dans l’immense cohue des 266 bataillons, où, à côté des braves gens prêts à faire leur devoir, se dissimulaient plus de 25,000 repris de justice, sans compter les sectaires de Blanqui et de Flourens, — et ces 266 bataillons, il fallait les habiller, les équiper, les armer.

Le problème était de tirer de ce chaos une force réelle, car il fallait bien toujours en arriver là. Au mois d’octobre, on avait cru résoudre la difficulté en formant des compagnies de guerre par voie d’inscription volontaire ; c’était très patriotique, surtout fidèlement renouvelé de 1792, et même, pour compléter l’analogie, des maires y ajoutaient l’appareil théâtral. Devant le Panthéon, on établissait pendant quelques jours une estrade ornée de drapeaux rouges ou tricolores, avec quelques tables simulant des « autels de la patrie » où les volontaires devaient aller se faire inscrire. Malheureusement les bataillons défilaient en poussant des acclamations sans s’arrêter devant les « autels de la patrie, » les inscriptions étaient rares : le chiffre des volontaires ne dépassa jamais 15,000 hommes ! Notez bien que pendant ce temps on ne cessait d’accuser le général Trochu de ne rien faire, de ne pas vouloir se servir de la garde nationale. À bout de tout, pour arriver à un résultat, on finissait par se décider le 8 novembre à détacher de chaque bataillon quatre « compagnies de marche, » en désignant par catégories ceux qui devraient en faire partie. Ici encore ce n’était pas sans difficulté qu’on arrivait à cette mobilisation partielle de la garde nationale. La mesure était à peine prise qu’on criait à l’iniquité, à l’arbitraire, et il est bien certain qu’il y avait d’inévitables injustices par suite de l’inégalité, des différences d’effectif ou de composition entre les bataillons anciens et les bataillons nouveaux ; mais enfin on avait ainsi les élémens de plus de 200 bataillons de guerre qui, bientôt formés en régimens, pouvaient représenter plus de 100,000 hommes. Cette garde nationale, qui, depuis le 4 septembre, avait été commandée avec plus de bonne volonté que d’esprit d’initiative par M. Tamisier, on la plaçait au lendemain du 31 octobre sous les ordres de M. Clément Thomas, homme de peu d’expérience militaire sans doute, mais dévoué, énergique, portant dans sa mission un patriotisme et un sentiment de la discipline qu’il devait payer de la vie cinq mois plus tard. Telle était la première armée, force médiocre à vrai dire, toujours assez incohérente et qui dans tous les cas ne pouvait de quelques semaines marcher à l’ennemi.

Le vrai nerf de l’organisation nouvelle était la deuxième armée, confiée au général Ducrot et composée de tout ce qu’il y avait de