Le point de débarquement était Bezons, par où on débouchait dans une sorte de triangle s’appuyant à la Seine de Bezons à Carrières-Saint-Denis et ayant son sommet à Houilles, qui serait devenu pour nous comme une tête de pont. La nature même du terrain dans l’intérieur de ce triangle protégé par de légères élévations nous préparait un débarquement un peu moins difficile dans une espèce de havre où l’on pouvait s’abriter. Tout était préparé du reste pour le passage. Le matériel, les équipages, devaient arriver par le chemin de fer presque sur le théâtre de l’action. A l’heure fixée, les wagons blindés s’approchant du fleuve devaient foudroyer la rive opposée. Auprès de Bezons, la petite île de Marante forme un canal à couvert des vues de l’ennemi, où devait être transportée pendant la nuit une flottille destinée à jeter avant le jour sur l’autre bord les premières troupes de débarquement. Ce premier passage une fois effectué, sous la protection de la plus formidable artillerie, les ponts s’établissaient, l’armée d’opérations passait tout entière, allait se former entre Bezons, Carrières-Saint-Denis et Houilles, pour se mettre aussitôt en marche vers Sannois et Cormeil.
Que ces mouvemens ne dussent pas s’accomplir sans être contrariés par le feu de l’ennemi, c’était on ne peut plus vraisemblable. On croyait cependant avoir peu à craindre des batteries prussiennes de Marly, de Saint-Germain ou de Sannois, assez éloignées du point de passage, encore peu nombreuses à ce moment, et contre lesquelles on pensait pouvoir lutter ou se prémunir. Que d’un autre côté on fût exposé à être assailli en marche par une partie des forces allemandes cherchant à se replier sur nous, c’était encore prévu. Sur la gauche, les Prussiens, ne pouvant déboucher que partiellement par un ou deux ponts, auraient couru le risque d’être accablés sous le feu du Mont-Valérien et des batteries de la presqu’île à mesure qu’ils auraient paru. Sur la droite, un corps de 50,000 hommes sortant de Saint-Denis devait prendre à revers les hauteurs d’Orgemont, de Sannois, protégeant notre marche, et, n’eût-il pas entièrement réussi, il pouvait arrêter les renforts prussiens allant de l’est à l’ouest. D’autres diversions tentées sur des points différens devaient contribuer à retenir, à occuper l’ennemi. Pendant ce temps, l’armée de sortie, qui ne devait pas dépasser 50,000 ou 60,000 hommes, gagnait la patte-d’oie d’Herblay, franchissait l’Oise, puis se précipitait en Normandie par les routes de Gisors et de Magny, coupant les ponts de la Seine pour se mettre à l’abri, culbutant les forces peu importantes qu’elle aurait rencontrées au-delà des lignes de blocus, et allant prendre position en avant de Rouen sur l’Andelle. Là elle se serait grossie immédiatement soit des troupes qu’elle aurait trouvées sur place, soit des détachemens venus du nord, soit des divisions envoyées de la Loire,