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du maréchal de Mac-Mahon, qui est apparu aussitôt comme une garantie vivante d’ordre public, dans le découragement soudain de ses adversaires, qui n’ont pu cacher leur trouble et leur impuissance, dans l’instinct du pays, vaguement inquiet des progrès du radicalisme. La facilité même avec laquelle s’est accomplie une transmission de pouvoir qu’on croyait pleine de périls est devenue immédiatement un gage de succès de plus. Il en est résulté une situation que les vainqueurs du 2k mai ne croyaient peut-être pas eux-mêmes aussi forte qu’elle l’était. Oui assurément, cette situation légalement créée par un acte de souveraineté parlementaire a eu tout de suite une certaine force. Le maréchal de Mac-Mahon n’a rencontré que des sympathies. Le gouvernement nouveau dans son ensemble a pu être accueilli avec réserve par les uns, avec une mauvaise humeur mal contenue par d’autres, il ne s’est vu ni contesté ni systématiquement combattu à sa naissance, et un événement qui aurait pu être une révolution s’est trouvé être à peine un jour de crise ; mais qu’on ne s’y trompe pas, depuis le premier instant cette situation n’a cessé d’avoir en elle-même ses écueils et ses faiblesses, et la première de toutes les faiblesses pour le gouvernement serait d’avoir une politique qui se composerait de velléités et de craintes, de la peur de voir toujours apparaître l’ombre de M. Thiers, de la peur de déplaire à des alliés comprometfans. À ce jeu, les situations s’usent rapidement, et la force dont on paraissait disposer est bientôt gaspillée en menues agitations dans le vide. Voilà toute la question. Il s’agit pour le gouvernement de trouver son point d’équilibre et sa direction ; c’est l’affaire d’une certaine netteté de coup d’œil et d’une certaine décision de volonté.

Une des plus singulières illusions de quelques-uns des partis, de certains groupes qui ont contribué au succès de la journée du 24 mai, a été de croire que cette transformation du pouvoir avait dû s’accomplir nécessairement au profit exclusif de leurs idées, qu’on allait marcher désormais à la réalisation de leurs espérances, que tout avait changé, et comme les faits ne peuvent répondre à leurs illusions, comme les choses ne marchent ni aussi aisément, ni aussi vite qu’ils le voudraient, ils en sont déjà aux doutes et aux inquiétudes. Quoi donc ! le gouvernement n’est pas plus « résolument conservateur, » il n’a pas encore rejeté dans les limbes les lois constitutionnelles de M. Thiers, il ne prépare pas l’avènement de la monarchie ! mais c’est « l’immobilité dans l’anxiéié, « c’est « l’impuissance, » on en est toujours « à l’état de ce malade qui se croyait de verre et ne bougeait pas de peur de se casser. » — Quoi donc ! M. le duc de Broglie et M. Beulé ne vont pas à Paray-le-Monial porter le cierge à côté de M. de Belcastel ; le gouvernement « n’ose pas franchement invoquer la religion pour motif de ses mesures, » il laisse la France « représentée à Berne, à Rome, par des insulteurs de