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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/509

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vient le nom sous lequel elle est connue aujourd’hui. La madonna Colonna, en 1827, appartenait à la duchesse de Lante, qui annonçait l’intention de la vendre. C’était le moment où se constituait le musée de Berlin. L’occasion parut bonne, et le prince royal d’une part, Bunsen de l’autre, se trouvèrent associés à cette affaire. Le prince se chargea de rassembler les fonds, Bunsen se chargea de la négociation diplomatique. Il fallait obtenir en effet l’autorisation de faire sortir de Rome la précieuse toile du Sanzio, et l’on pouvait craindre quelque résistance. Des deux côtés, tout réussit à merveille. Une fois maître du tableau, Bunsen se donna le plaisir de le porter lui-même à Berlin, heureux de l’offrir au prince royal pour l’anniversaire de sa naissance, le 15 octobre 1827.

Bunsen, on peut le dire, fut reçu à bras ouverts. Le froid et sec Léopold de Ranke affirme que le prince le reconnut immédiatement sans l’avoir jamais vu. Je suis persuadé pour ma part, après avoir lu ses lettres, que le cœur du jeune homme a dû voler au-devant de l’ami impatiemment appelé. L’année suivante, Bunsen étant retourné à son poste, le prince faisait à son tour ce voyage d’Italie qu’il désirait si fort, et il le faisait selon son vœu, sous la direction de son cher cicerone. Que de nobles études en commun ! que de ravissemens ! que de confidences ! Frédéric-Guillaume, si bien préparé à cette visite de Rome par ses goûts et ses enthousiasmes, y passa des jours enchantés, grâce à ce commerce de deux âmes vraiment nées l’une pour l’autre. Interrogeant du même esprit les souvenirs du passé, ils s’élançaient d’un même cœur vers l’avenir. L’église évangélique était une de leurs plus vives préoccupations. Sur bien des questions d’ailleurs, le prince laissait entrevoir sa politique, politique chrétienne avant tout, fidèle à tous les principes bienfaisans et respectueuse de tous les droits. S’ils ne pensaient pas de même en toute chose, si le prince était plus attaché à la tradition légitimiste, le savant plus favorable aux innovations libérales, ces dissentimens allaient se perdre dans une parfaite communauté d’inspirations religieuses. Quand le prince royal quitta Rome au mois de novembre 1828, Bunsen l’accompagna jusqu’à Vérone. Ils s’étaient promis de s’écrire souvent, de se communiquer toutes leurs pensées, et c’est à cette date en effet que s’ouvre la longue correspondance de Bunsen avec le prince. Si le prince parut d’abord moins empressé, sa première lettre, datée du 22 avril 1830, montre bien qu’il ne mérite pas le reproche d’indifférence. A la façon dont il s’accuse, on voit qu’il est d’avance pardonné.

« Mon très fidèle Bunsen,

« C’est bien le nom qu’il faut absolument que je vous donne, par opposition avec moi, qui le mérite si peu. Vous m’avez écrit si