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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/596

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familiarité de l’expression ne rend que plus sensible la netteté de la pensée, pouvoir en finir avec tout ce gâchis, mais nous craignons que la Russie ne se mette en branle, et comme l’Autriche, à la bonne foi près, exprime les mêmes vœux et les mêmes craintes que nous, il s’ensuit que tout le monde est d’accord pour proclamer la nécessité d’agir, et que personne ne parvient à s’entendre sur les moyens qu’il conviendrait d’employer. Vous me demandez avec qui nous marchons. C’est, je pense, avec les Russes. En nous tenant près de la Russie, sans laquelle on ne peut rien décider dans la question d’Orient, nous sommes à peu près certains qu’on ne terminera pas cette affaire sans nous. Il serait vraiment par trop maladroit de nous exposer à ce qu’on se passât, quand on la voudra définitivement régler, du concours ou tout au moins de l’appui moral de la France. » Tel était en effet l’échec que le cabinet des Tuileries voulait à tout prix prévenir. Sa trop grande complaisance pour les conseils de M. de Metternich faillit, au début de l’année 1826, le lui attirer.

Au moment même où le comte de Guilleminot s’éloignait de Constantinople, un nouvel envoyé de sa majesté britannique y faisait son apparition. Cousin du grand ministre qui dirigeait alors le cabinet anglais, porteur, d’un nom illustre dont il était destiné à rehausser l’éclat, sir Stratford Canning eût été bien aise de donner à l’Angleterre le mérite exclusif d’avoir affranchi la Grèce, ne fût-ce que pour faire oublier au monde que l’Angleterre avait laissé asservir l’Espagne ; mais le jour n’était pas encore venu où le futur lord Stratford de Redcliffe pourrait parler en maître aux ministres effrayés et dociles du sultan, a le doute fort, écrivait l’amiral de Rigny, qu’il obtienne quelque chose des Turcs, s’il ne les menace de la flotte anglaise. » Sir Stratford avait eu à Hydra une conférence avec les principaux chefs du gouvernement grec. Il se flattait de les avoir convertis à ses idées de conciliation ; il ne lui restait plus qu’à faire agréer son plan d’accommodement par la Porte. Le 10 mars 1826, il traçait au reïs-effendi un tableau effrayant des embarras qui menaçaient, selon lui, la Turquie. « L’empereur Alexandre avait résolu la guerre ; son successeur l’a voulait également. Tant que les Grecs seraient en état d’insurrection, la Russie aurait en eux une cause de rupture toujours prête. La Porte avait dû se convaincre de son impuissance à réduire la rébellion par la seule force des armes ; il fallait donc songer à s’arranger. » Sir Stratford n’allait, pas dans cette entrevue jusqu’à offrir au divan la médiation anglaise ; suivant l’expression de M. Desages, « il tournait autour. » Le reïs-effendi le laissa parler pendant quatre heures, puis il lui répondit : « Nous n’admettrons pas dans nos affaires avec