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une garde albanaise et environ 6,000 cavaliers. En y comprenant les équipages de la flotte, le service militaire en Égypte ne prélevait pas moins de 60,000 hommes sur une population qui n’excédait pas 2 millions.

L’accroissement de la marine égyptienne avait marché de pair avec celui de l’armée. Le vice-roi possédait six frégates, huit grandes corvettes, vingt bricks de guerre et une vingtaine de navires plus légers. Le travail du fellah avait tout payé ; le fellah lui-même était descendu au dernier degré de la misère. Le monopole commercial lui laissait à peine de quoi subsister et ne lui laissait rien pour se vêtir. Aussi cette population merveilleuse qui se pliait avec une égale docilité au métier de matelot et à celui de fantassin, cette population qui faisait la puissance de Méhémet-Ali, décroissait-elle sensiblement au lieu d’augmenter. On avait appelé des Bédouins pour combler les vides. Très peu de ces nomades consentirent à se fixer en Égypte : ils avaient l’instinct de la guerre ; on ne put leur inculquer le goût de la culture. Les nègres du Sennaar qu’on voulut incorporer dans l’armée pour ménager un peu les Égyptiens, fatigués d’un si long voyage, éprouvés par le changement de climat, fournirent presque autant de malades que de recrues. Ils périssaient en foule, et il fallait se résigner à les remplacer encore par des fellahs. La Porte cependant ne se lassait pas de combler Mehémet-Ali de dignités nouvelles. Elle le chargeait de diriger toutes les opérations combinées des armées et des flottes turques contre les Grecs. Ce soldat rouméliote n’était pas seulement devenu le premier personnage de l’empire après le grand-seigneur, le plus puissant des vassaux de la Porte ; c’était lui qui, par son exemple, par ses conseils, par ses encouragemens, s’était fait en Turquie l’initiateur du grand mouvement européen. Un caprice de sérail pouvait, il est vrai, tout changer. Contre le maître jaloux qui, en le comblant d’honneurs, refusait de l’investir du pachalik de Damas, concession moins nécessaire encore, à sa puissance qu’à sa sécurité, Méhémet-Ali ne voyait de garantie certaine que le maintien de sa supériorité navale. « L’incapacité des bâtimens de la flotte de Constantinople, écrivait l’amiral de Rigny, lui est très démontrée. Forcé de les entretenir à ses frais et de les recevoir à Alexandrie, il les regarde comme une surcharge inutile et se soucie médiocrement de les associer aux améliorations qu’il s’efforce d’introduire dans sa propre marine, car c’est à la marine que s’appliquent en ce moment tous ses soins. Les Arabes qu’il a levés et organisés en équipages ont réellement fait quelque progrès. »

Au mois de novembre 1826, le capitaine Laine, sur le brick l’Alcyone, trouvait Méhémet-Ali « malade, inquiet, exprimant assez