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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/239

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elle cède la place à la viedma, qui se rapproche plus des types fantastiques que nous connaissons.

Le compère de la baba-yaga, c’est Kochtcheï l’immortel. Kochtcheï paraît venir du mot russe kost, qui signifie os; il indique soit la maigreur de cet être malfaisant, soit la vertu qu’il a de dessécher ou de pétrifier ses victimes. Dans une histoire qui rappelle par certains côtés notre Barbe-Bleue, la princesse Maria Morevna part pour la guerre, et laisse à son mari les clés du palais en lui recommandant surtout de ne point pénétrer dans certain cabinet mystérieux. Naturellement le prince s’empresse d’ouvrir, et reconnaît dans ce réduit Kochtcheï, l’immortel Kochtcheï; douze chaînes le tiennent attaché aux murailles.

— Aie pitié de moi, donne-moi à boire; voici dix ans que je suis enchaîné ici, s’écrie le misérable.

Le prince cède aux supplications de Kochtcheï, qui, sitôt désaltéré, reprend sa force primitive, brise ses chaînes et s’élance en vomissant des menaces de vengeance contre la femme de son bienfaiteur. Le prince part à la recherche de Maria Morevna : Kochtcheï le poursuit sur son coursier, enlève Maria Morevna; son mari la délivre, mais Kochtcheï le saisit et l’enferme dans un tonneau, qu’il précipite au fond de la mer. Il en sort, grâce au secours d’oiseaux merveilleux, traverse trois fois neuf contrées, arrive dans le troisième royaume; là il rencontre la yaga-baba, lui dérobe une jument merveilleuse, qui atteint le cheval de Kochtcheï. Un duel formidable s’engage; la jument du prince brise d’une ruade la tête de Kochtcheï ; son maître l’achève avec sa massue, le brûle sur un bûcher et jette ses cendres au vent. Kochtcheï l’immortel finit le plus souvent par être tué; mais il a la vie dure, il le sait et défie ses adversaires.

— Où est ta mort? lui demande un de ses ennemis, le prince Ivan.

— Ma mort? Elle est là-bas sur un chêne. Sur ce chêne, il y a une cassette, dans la cassette un lièvre, dans le lièvre un canard, dans le canard un œuf, — dans cet œuf est ma mort.

Et voilà le prince parti à la recherche de cet œuf fatal. Chemin faisant, il rencontre divers animaux auxquels il sauve la vie : un loup, un corbeau, un poisson. Il trouve le chêne et la cassette : la cassette ouverte, le lièvre se sauve, le loup court après et le saisit; un canard sort de ses entrailles et s’envole, le corbeau le rattrape dans les airs. Le prince fouille les entrailles du canard, prend l’œuf; mais il a la malheureuse idée de le laver dans la mer; l’œuf tombe au fond des eaux. Le poisson le rapporte : Ivan le brise; Kochtcheï meurt. Explique qui pourra le sens mystérieux du récit. Cette mort de Kochtcheï, qu’il faut poursuivre à travers tous les élémens, avec le concours des auxiliaires les plus divers, n’est-ce pas le symbole du mythe lui-même? Il se dérobe à travers les élémens; il faut pour l’atteindre la vitesse du loup, le vol de l’oiseau, les nageoires du poisson, — et quand enfin vous avez brisé