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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/117

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concurrence avec la circulation métallique est très étendue, le résultat signalé, par M. Amasa Walker se manifestera. Et ce n’est pas le seul inconvénient. Le billet de banque au porteur, même lorsqu’il repose sur une encaisse métallique, n’est après tout qu’un capital factice, une avance que fait le crédit. C’est à merveille, si l’avance est dans des limites restreintes qui ne dépassent jamais la possibilité qu’on a de se liquider à bref délai ; dans ce cas, le billet au porteur rend de grands services et est sans danger. Si au contraire on l’étend trop, alors on n’a plus aucune mesure ni des ressources disponibles du pays, ni de la valeur réelle des choses. On prend le capital factice pour un capital réel, on fait des entreprises en conséquence, et un beau jour, comme on a bâti un édifice en l’air, on ne peut plus le soutenir, il retombe de tout son poids en écrasant ceux qui ont contribué à l’élever et malheureusement d’autres encore, car il y a une certaine solidarité dans toutes les spéculations industrielles. On perd aussi la mesure exacte de la valeur. En effet, l’abondance apparente du capital fait renchérir le prix des choses ; tout s’élève à un niveau artificiel, et, comme ce niveau ne peut pas se maintenir indéfiniment, il arrive un moment où éclate une baisse plus ou moins grande ; c’est une nouvelle source de ruines. Voilà quelle peut être la conséquence de l’extension de la circulation fiduciaire avec le métal d’argent ; pour éviter le transport d’une monnaie incommode, on s’expose à des catastrophes financières.

Nous en avons fini de l’examen des raisons qu’on donne pour la conservation du double étalon. Il nous reste maintenant à conclure et à dire ce qu’il y aurait à faire. Il faudrait dès à présent interdire la fabrication des pièces de 5 francs d’argent. Cette fabrication, grâce à la baisse de prix de ce métal, s’est accrue singulièrement depuis quelques années. Si on la laisse libre, nos ateliers monétaires n’y suffiront pas et ne seront bientôt plus occupés qu’à convertir, les thalers allemands en monnaie française, et alors il se passera chez nous ce qui a déjà lieu en Belgique : avec le produit de cette conversion, on achètera des traites sur Londres et même sur l’Allemagne, si celle-ci parvient à se débarrasser très vite de son double étalon provisoire, et, comme l’achat de ces traites fera monter le change, pour le ramener à des conditions meilleures nous n’aurons plus qu’à exporter notre or. Ce sera le moyen par lequel cet or nous sera ravi ; par conséquent il y a urgence à interdire dès à présent la fabrication des pièces de 5 francs. Quelques personnes se borneraient à demander que la fabrication fût limitée. Ce serait une amélioration, incontestable, car maintenant chacun peut faire frapper dans la mesure du possible, c’est-à-dire en usant de toutes les ressources de nos ateliers monétaires, les lingots d’argent qu’il possède ; mais