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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/198

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Le protestantisme n’a vaincu au XVIIe siècle qu’avec l’aide de la France : le catholicisme invoquera-t-il au XIXe l’appui de notre pays ? Non, parce que le patriotisme allemand n’admet plus ces compromissions avec l’étranger. Pourtant d’obscurs et imprudens fanatiques, les rédacteurs des gazettes populaires de Bavière, ont célébré la journée parlementaire du 24 mai comme une victoire. Ils disent que Dieu a réservé sur le champ de bataille le glorieux vaincu de Sedan, que le maréchal de Mac-Mahon va monter à cheval, qu’il est en route, qu’il arrive, et, chose étrange, les vainqueurs s’émeuvent ! L’événement du 24 mai a été longtemps ici l’objet de toutes les préoccupations ; M. de Bismarck s’en est fort indigné, et naturellement avec lui les nationaux-libéraux. C’est à leurs yeux le prélude d’une restauration légitimiste où ils déclarent à l’avance qu’ils verront un casus belli. Singulier effet de cette persistance des souvenirs historiques, qui est un des traits du caractère allemand ! On parle de la possibilité d’une guerre de trente ans, comme si la France était en état de nourrir d’autres soucis que celui de vivre ! Remontant plus loin encore dans le passé, M. de Bismarck ramène les esprits au temps des luttes du sacerdoce et de l’empire quand il s’écrie : « Nous n’irons point à Canossa ! » Il aime à se dire gibelin ; à leur tour, ses adversaires remettent en honneur le nom de guelfes. Ici M. de Bismarck et ses adversaires pourraient bien avoir raison. Les guelfes étaient les particularistes du moyen âge, et le particularisme, aussi vieux que l’Allemagne, vivra autant qu’elle. Les temps sont différens, mais ces députés en redingote et jaquette sont les successeurs d’Henri Welf le Lion, duc de Saxe et de Bavière. Ce parti religieux, réfractaire à l’unité, est sorti des entrailles mêmes de la vieille Allemagne, et l’on ne peut s’empêcher de considérer avec curiosité ce fantôme du passé, qui est bien vivant.

Le parti du centre est le seul qui fasse une opposition sérieuse, car avec tous les autres il est des accommodemens, depuis les progressistes de gauche jusqu’aux différentes fractions de la droite, Il est difficile de saisir les nuances qui distinguent celles-ci les unes des autres : il faut, comme on dit, être du pays pour les bien comprendre. Voici d’abord le parti libéral de l’empire, qui se compose d’une trentaine de membres, et le parti de l’empire, qui en a quelques-uns de plus. Tous les deux, leur nom l’indique, acceptent l’unité sous sa forme actuelle, mais avec des sentimens un peu différens. Le premier est en majeure partie composé de Bavarois, parmi lesquels des personnages de haut rang, comme M. le prince de Hohenlohe, ancien ministre ; on y trouve aussi un ancien ministre badois, un chambellan du grand-duc de Darmstadt. Si bons patriotes