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mêmes qu’à manifester alternativement leur impuissance. Ils s’essaient à tour de rôle, et ils ne réussissent qu’à créer une situation où par leurs fautes ils font les affaires les uns des autres en se neutralisant mutuellement. Si la république est malade, ce sont assurément les républicains qui l’ont mise dans cet état. Qu’en sera-t-il maintenant de la restauration monarchique à laquelle on travaille ? C’est là précisément la question qui va être résolue, et qui tout d’abord rencontre certainement les plus graves difficultés dans le camp royaliste.

La république, cela est bien clair, a passé dans ces derniers temps, depuis sept ou huit mois, par des épreuves qui l’ont singulièrement compromise et qui étaient devenues en quelque sorte autant de chances nouvelles pour une restauration de la monarchie. Qu’est-ce donc qui a préparé la situation actuelle ? Il n’est point nécessaire de remonter à l’origine des choses, à cette question éternellement pendante entre les mérites de la monarchie et les mérites de la république. À vrai dire, la situation, telle qu’elle a été faite, telle qu’elle apparaît aujourd’hui, a son origine immédiate dans deux ou trois circonstances dont la première a été au printemps dernier la démission précipitée que le président de l’assemblée, M. Jules Grévy, croyait devoir donner en présence d’une majorité qu’il considérait comme insuffisante. Que jusque-là rien n’eût été décidé quant au gouvernement définitif de la France, que la question demeurât réservée au pouvoir constituant de l’assemblée, que des crises pussent toujours se produire, on le sait de reste ; mais entre les fractions conservatrices il y avait aussi un accord toujours possible, accord récemment attesté par le vote de cette laborieuse loi des trente, en vertu de laquelle le gouvernement de M. Thiers avait pu présenter un ensemble de projets constitutionnels donnant sous le nom de république une certaine organisation à la France. C’est alors que M. Jules Grévy quittait brusquement la place de président de l’assemblée. Il cédait à un mouvement de dignité sans doute ; après avoir réuni presque l’unanimité des suffrages depuis le mois de février 1871, il se sentait blessé de n’avoir plus qu’une majorité diminuée, il pouvait croire son autorité affaiblie. Il n’est pas moins vrai qu’il donnait en quelque sorte le signal de la déroute, que la république représentée par lui perdait une place de sûreté dans l’état. Remarquez bien que ce n’était qu’après un second vote, de nouveau décliné par M. Grévy, que la majorité, n’hésitant plus, élevait à la présidence M. Buffet, qui allait représenter au fauteuil les opinions de la droite conservatrice. Ce n’est qu’au 24 mai qu’on a pu mesurer la véritable portée de ce premier incident.

Seconde circonstance bien autrement grave, et où ce n’est plus un républicain modéré qui est en jeu : des élections ont lieu à Paris et à Lyon. Le chef du gouvernement, M. Thiers lui-même, présente au choix des