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l’ordre. La puissance qui acceptait cette faveur était la même qui avait annoncé l’intention de défendre la Hesse contre la diète et l’Autriche. Mieux eût valu se soumettre purement et simplement, puisqu’on ne voulait pas agir. Coopérer à des actes qu’on s’était promis d’empêcher, c’était trop. M. de Manteuffel le sentit, et, dans un mémoire explicatif de la convention d’Olmutz, il essaya de prouver que rien d’essentiel n’était changé en ce qui concernait les différens états de l’Allemagne ; la question de l’unité germanique devant être reprise, disait-il, aux conférences de Dresde, chaque puissance y reparaîtrait avec l’appui de ses alliés et l’autorité de ses principes. C’était une consolation offerte au sentiment public irrité. Le prince de Schwarzenberg ne voulut pas même concéder au ministre prussien le bénéfice de ce commentaire, qui ne s’adressait qu’à la Prusse. Dans une circulaire confidentielle envoyée à tous les agens diplomatiques de l’empire, il se donna le cruel plaisir d’étaler toutes les circonstances de sa victoire. Le tissu d’explications arrangé avec tant de soin pour dissimuler la honte de la Prusse était littéralement mis en pièces. Si la dépêche était confidentielle, c’était afin que le ministre eût ses coudées plus franches. Aussi quelle verve ! quel entrain ! quelles allures de maître ! On sait bien d’ailleurs qu’il se trouve toujours quelque agent dont la négligence ou l’indiscrétion livre au public ces dépêches-là L’indiscrétion eut lieu, la circulaire fut connue de toute l’Europe. Voilà pour quel résultat M. de Manteuffel courait si précipitamment au-devant du prince de Schwarzenberg le 25 novembre 1850, et signait le 29 la convention d’Olmutz ! Rien ne manquait à l’humiliation du gouvernement prussien.


IV

Nous avons dit que M. de Bunsen, pendant l’interruption de sa correspondance intime avec Frédéric-Guillaume IV, est toujours ambassadeur de Prusse à Londres, et que de ce poste, où tant de choses lui sont révélées, il suit avec angoisses la lutte de M. de Radowitz et du prince de Schwarzenberg. Ses mémoires nous dédommagent ici de ce qui manque à sa correspondance. Chacune des péripéties que nous venons de raconter a son contrecoup dans cette nature impétueuse. Très occupé lui-même de l’affaire du Slesvig-Holstein, qui se règle à la conférence de Londres, irrité contre le ministère anglais, qui tient tête si résolument à l’ambition prussienne, irrité contre la France et la Russie, qui marchent d’accord avec l’Angleterre dans la question des duchés danois, Bunsen trouve encore le loisir de suivre avec une attention passionnée tout ce qui intéresse la cause de l’unité allemande. A chaque nouvelle qui lui