Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/519

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quable. Si vous ne savez pas l’histoire, la voici en deux mots : sa femme, qui est une demoiselle *** (dont, par parenthèse, la mère devait être ma marraine, à ce qu’on m’a dit), est allée chez Bapst et a acheté une parure de soixante mille francs en disant qu’elle la renverrait le lendemain, si elle ne lui convenait pas. Elle n’a rien renvoyé, ni argent ni parure, Bapst a redemandé ses diamans : on lui a répondu qu’ils étaient partis pour le Portugal, et, en fin de compte, on les a retrouvés au Mont-de-Piété, d’où la duchesse de *** les a retirés pour quinze mille francs. Cela fait l’éloge du temps et des femmes ! Autre scandale. Au bal de M. d’Aligre, une femme a été pincée black and blue par un mari, non moins ombragé de panaches que M. de ***, mais plus féroce. La femme a crié et s’est évanouie; tableau général ! On n’a pas jeté le jaloux par la fenêtre, ce qui eût été la seule chose sensée à faire. — Adieu.


Paris, 21 mars.

Chère amie, je vous remercie de votre lettre. Je suis, depuis mon retour à Paris, dans un abrutissement complet. D’abord notre représentation au sénat, où, comme M. Jourdain, je puis dire que je n’ai jamais été si saoul de sottises. Tout le monde avait un discours rentré qu’il fallait faire sortir. La contagion de l’exemple est si forte que j’ai délivré mon speech comme une personne naturelle, sans aucune préparation, comme M. Robert Houdin. J’avais une peur atroce; mais je l’ai très bien surmontée en me disant que j’étais en présence de deux cents imbéciles, et qu’il n’y avait pas de quoi s’émouvoir. Le bon a été que M. Walewski, à qui je voulais faire donner un beau budget, s’est offensé du bien que je disais de son prédécesseur, et a bravement déclaré qu’il votait contre ma proposition. M. Troplong, près duquel je suis placé en ma qualité de secrétaire, m’a fait tout bas son compliment de condoléance, à quoi j’ai répondu qu’on ne pouvait pas faire boire un ministre qui n’avait pas soif. On a rapporté cela tout chaud à M. Walewski, qui l’a pris pour une épigramme, et depuis lors me fait grise mine; mais cela ne m’empêche pas de mener mon fiacre.

Le second ennui de ce temps-ci, c’est le dîner en ville, officiel ou autre, composé du même turbot, du même filet, du même homard, etc., et des mêmes personnes aussi ennuyeuses que la dernière fois.

Mais le plus ennuyeux de tout, c’est le catholicisme. Vous ne vous figurez pas le point d’exaspération où les catholiques en sont venus. Pour un rien, on vous saute à la figure, par exemple si l’on ne montre pas tout le blanc de ses yeux en entendant parler du saint martyr, et si l’on demande surtout très innocemment, comme j’ai fait, qui a été martyrisé.