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ce scandale souleva l’indignation générale. C’étaient aussi des cultes réservés uniquement aux femmes que ceux de la Pudeur patricienne et de la Pudeur plébéienne. Dans un grand nombre d’autres, elles avaient des privilèges particuliers et occupaient la première place : tel était celui de la Diane des bois (Diana nemorensis). Son temple, placé dans un site ravissant, au pied du mont Albain, sur les bords d’un lac qu’on appelait « le miroir de Diane, » était le rendez-vous du beau monde. Tout autour s’étendait un bois sacré où les arbres, reliés entre eux par des bandelettes, portaient des tableaux qui indiquaient les vœux que la déesse avait écoutés et les miracles qu’elle avait faits. Il ^tait d’usage, quand on avait été exaucé par elle, de se rendre à son temple le soir, une couronne sur la tête, un flambeau allumé dans la main. Les jours de fête, la forêt d’Aricie paraissait en flammes. C’était une des promenades favorites de toutes les dames de Rome, et l’on y rencontrait aussi bien ces belles affranchies qui ne cherchaient qu’une occasion de voir et d’être vues que les matrones honnêtes qui venaient remercier la déesse du retour heureux d’un mari.

Il faut donc reconnaître, contrairement à l’opinion commune, que les femmes n’avaient pas à se plaindre de la religion romaine, et qu’elle ne leur faisait pas une condition inférieure à celle des hommes. Les inégalités dont elles étaient victimes venaient uniquement du droit civil ; la religion ne les sanctionnait pas, il semble même, à certains indices, qu’elle leur était contraire et qu’elle cherchait à les réparer. Elle avait fait des efforts sérieux pour rendre le mariage plus solennel. Avant de se marier, les deux fiancés faisaient un sacrifice ensemble, « car il n’est pas permis, disait Servius, de commencer la culture d’un champ ou de se marier sans prier d’abord les dieux. » Le lendemain des noces, l’épouse devait sacrifier dans la maison de son mari : c’était une manière d’en prendre possession et de se faire agréer par les dieux de sa famille nouvelle. Cet appareil religieux dont le mariage était entouré en faisait un acte sacré. Il était naturel qu’étant accompli avec tant de solennité, il ne pût être légèrement rompu ; aussi la religion semblait-elle tendre à le rendre indissoluble. Dès les temps les plus anciens, elle regardait comme un sacrilège et, dit-on, faisait punir de mort le divorce non motivé. Le vrai mariage religieux (confarreatio), celui qu’elle imposait à certains de ses prêtres, ne pouvait être rompu qu’avec les plus grandes difficultés. Elle voyait avec déplaisir les secondes noces, que devaient plus tard condamner aussi quelques pères de l’église. Dans beaucoup de cultes, on ne choisissait les prêtresses que parmi les femmes qui n’avaient été mariées qu’une fois : elles étaient aussi les seules qui eussent le droit d’aller prier à l’autel de la Pudeur et