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il les subordonna de cette façon directement au secrétaire d’état de la guerre. Le service militaire fut ainsi placé dans toute la France sous des chefs désignés par le monarque et qu’il pouvait révoquer. Louis XIII institua, pour commander les subdivisions des gouvernemens, des lieutenans particuliers du roi, et confia ces postes à des officiers-généraux pareillement à son choix. Au lieu de petits états despotiquement gouvernés par des potentats, on n’eut plus qu’un système de divisions et de subdivisions militaires. Les gouverneurs n’en conservèrent pas moins leur titre ; mais ce titre, tendant à n’être plus qu’honorifique, n’était plus autant convoité, car, bien qu’il ne conférât plus une sorte de souveraineté, il continuait a entraîner à de grandes dépenses.

Les gouverneurs tenaient en effet à ne point paraître au-dessous de ce qu’avaient été leurs prédécesseurs ; ils affectaient toujours des airs de souverain quand ils se rendaient dans leur province, — ce qui avait lieu rarement. Louis XIV eut soin de les retenir à la cour. Il finit même par leur défendre d’aller exercer en personne le gouvernement ; ils abandonnaient ainsi de fait le commandement militaire et la direction politique de la province placée nominalement sous leur autorité aux lieutenans-généraux et aux lieutenans du roi qui en relevaient. La dignité de gouverneur, bien loin d’être pour son titulaire une propriété, ne fut plus même conférée à vie, elle devint une commission purement temporaire, qui, à la fin du XVIIe siècle, devait être renouvelée tous les trois ans. On connaît les plaintes qu’exhalait dans ses lettres Mme de Sévigné sur l’abaissement de ces pauvres gouverneurs, comme elle les appelait, dont le dévoûment au roi n’était plus un titre suffisant de considération et d’égards. Les lieutenans-généraux eux-mêmes, quoique placés sous la main du souverain et de son ministre, n’avaient pas hérité à beaucoup près des pouvoirs naguère confiés aux gouverneurs, et sous couleur de police les intendans étaient autorisés à s’immiscer dans l’administration militaire. On peut s’en convaincre en lisant les instructions que, dès le ministère de Mazarin, le conseil donnait à ces représentans du roi, et dont quelques-unes sont conservées aux Archives nationales. Les intendans devaient faire en sorte que les gouverneurs de province et les lieutenans-généraux procédassent à une répartition plus convenable et plus juste des troupes placées sous leur commandement ; ils devaient veiller à ce que les soldats fussent logés de préférence dans les villes et non dans les campagnes, qui en étaient écrasées ; on s’en remettait à eux pour enjoindre aux officiers de faire observer par leurs hommes la discipline, de punir toute violence des gens de guerre à l’égard de la population. C’est aux intendans qu’il appartenait de s’assurer que la