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mi- elle rentre au parlement assez compacte, au nombre de plus de quatre-vingts membres catholiques ou protestans, ou particularistes, formant ce qu’on appelle le centre sous la direction d’un homme de talent et de ressources, l’ancien ministre du roi de Hanovre, M. Windthorst, et par une singularité de plus, c’est ce parti qui prend aujourd’hui le rôle libéral. C’est lui qui proteste contre la politique religieuse du ministère, qui plaide la cause de la presse, qui réclame l’extension du droit électoral. Dans ces conditions parlementaires renouvelées par les élections, mais qui n’ont assurément rien d’embarrassant pour le gouvernement, quelle est la signification du retour soudain de M. de Bismarck à la présidence du cabinet de Berlin ?

Il y a un an, M, de Bismarck se retirait en quelque sorte dans son rôle de chancelier de l’empire, laissant la place de chef du cabinet prussien au général de Roon. Aujourd’hui le général de Roon s’efface à son tour devant le chancelier, qui redevient président du ministère de Berlin, concentrant plus que jamais entre ses mains tous les fils des affaires prussiennes et allemandes. Le changement qui vient de s’accomplir à Berlin n’est-il que la réalisation d’une pensée conçue au moment où les affaires de la France pouvaient se compliquer par suite d’une restauration monarchique ? M. de Bismarck a-t-il été conduit à se préoccuper des symptômes de mécontentement, même des résistances qui se manifestent dans certaines parties de l’Allemagne en présence des projets ou des efforts qui tendent à compléter l’unification de l’empire ? Le chancelier a-t-il voulu être personnellement sur la brèche pour pousser à fond l’exécution des lois religieuses votées il y a quelques mois ? Il y a peut-être un peu de tout cela. Toujours est-il que les victorieux eux-mêmes, à ce qu’il paraît, ont leurs embarras. Le roi de Bavière n’aime pas les couleurs prussiennes et regimbe contre les coups de férule de Berlin. Le changement de règne qui vient d’avoir lieu en Saxe par suite de la mort du roi Jean semble avoir été le prétexte ou l’occasion de certains froissemens, et il y"a eu depuis peu, dit-on, des manifestations assez singulières dans l’armée saxonne, des officiers se seraient engagés à ne plus porter la croix de fer décernée par le roi de Prusse. D’un autre côté, si accoutumé qu’on soit à vaincre, et eût-on même, pour conduire ces sortes de guerres, l’appui des « nationaux-libéraux, » ce n’est peut-être pas toujours une besogne facile de batailler avec les chefs d’une église. M. de Bismarck, après avoir déclaré la guerre au pape, se constitue pape lui-même. Il fait des évêques a vieux-catholiques, » qu’il pourvoit de copieux bénéfices, et il est sur le point de déposer, peut-être de faire incarcérer, l’archevêque de Posen, l’évêque de Paderborn, sans parler de toutes les condamnations prononcées depuis quelque temps contre des ecclésiastiques de tout ordre. M. de Bismarck se pique décidément d’honneur dans cette guerre qu’il