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de ce personnage, ordinairement en lutte avec le conseil du roi et mécontent de se voir de plus en plus évincé. Parfois l’intendant en agissait de même à l’égard des évêques, qui le disputaient en influence aux chefs militaires. « Je crois qu’il serait bien à propos, écrivait en 1658 Colbert à Mazarin, d’avoir de bons intendans dans les généralités suspectes, et qu’ils y résidassent toujours. » Une année après, il écrivait encore que les intendans devaient déployer la plus grande énergie, qu’on devrait casser ceux qui montreraient de la mollesse : aussi ces fonctionnaires à poigne, pour prendre une expression souvent répétée de nos jours, ne craignaient-ils pas de contrecarrer monsieur le lieutenant-général, de faire des rapports sur ses faits et gestes ; ils empiétaient même parfois ouvertement sur les attributions de celui-ci quand ils le jugeaient utile au maintien de l’ordre et à la bonne administration. Le ministre n’osait les en blâmer, mais il leur conseillait d’agir avec un peu plus de prudence.

De la sorte, les gouverneurs et les lieutenans-généraux furent réduits à n’être que des autorités militaires : ils avaient perdu le maniement des deniers publics ; ils perdirent même la libre disposition des troupes. Louis XIV n’accorda plus que rarement aux gouverneurs des survivances, et dans ce cas, comme le fait observer M. de Luçay, le mode même qu’il employait tendait singulièrement à diminuer l’autorité de ces dignitaires. « Quand le roi, écrit Dangeau, en mars 1698, souhaita que M. le comte de Toulouse eût le gouvernement de Bretagne, il voulut, pour consoler M. de Chaulnes, assurer à M. de Chevreuse, son neveu, le gouvernement de Guienne, que quittait le comte de Toulouse et qu’il venait de donner à M. de Chaulnes ; mais sa majesté voulut en même temps que M. de Chaulnes fût survivancier avec les appointerons, et M. de Chevreuse titulaire. Le roi en use souvent ainsi, et M. le prince est survivancier de M. le duc (son fils) en Bourgogne. »

Si les intendans réussissaient à miner l’autorité des chefs militaires de la province, il leur était moins difficile de soumettre à leur omnipotence les juridictions fiscales et d’attirer à eux toute l’administration financière. Les pouvoirs extraordinaires dont ils étaient investis, spécialement pour ce qui touchait à la levée des impôts, mettaient forcément dans leur dépendance les officiers qui en étaient seuls jadis chargés. Antérieurement tout ce qui concernait les tailles appartenait aux élus dans les pays d’élections. Dans les pays d’états, la partie purement administrative de ce service revenait généralement aux états, la partie contentieuse aux juges ordinaires. « Le régime des pays d’états, dit M. R. Dareste, subsista sans changement, mais celui des pays d’élections fut considérablement modifié. Au XVIe siècle, le département de la taille entre les