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était alors assujettie. Les intendans acquirent ainsi une connaissance exacte des pays qu’ils administraient ; ils furent plus en mesure que des officiers de judicature de proposer des améliorations, stimuler la production ; réunissant dans leur main tous les fils d’une vaste administration, ils étaient à même de juger des simplifications à y introduire. Outre des mémoires spéciaux qui nous ont été conservés et qui témoignent de leur activité, ils adressaient périodiquement des rapports au conseil, aux secrétaires d’état, surtout au contrôleur-général des finances, lequel tenait une grande partie de l’administration intérieure sous sa dépendance, et dont relevaient précisément la plupart des agens et des officiers avec lesquels l’intendant était en relations journalières ; celui-ci devait lui remettre des tableaux du produit annuel de chaque catégorie d’impôts, des sommes représentant l’arriéré, les produits à espérer ; il se trouvait conséquemment amené à vérifier les comptes des comptables, à surveiller la gestion des agens financiers, à en signaler les abus et à y indiquer les réformes. C’était donc plus spécialement sous les ordres du contrôleur-général que les intendans avaient été placés. On comprend que la correspondance échangée, entre eux et lui représente à cette époque presque tout le mouvement administratif du royaume. La publication de cette correspondance, que nous promet un habile et consciencieux investigateur, M. A. de Boislisle, jettera sur l’histoire économique de la France aux siècles derniers de vives lumières[1].

La position prise par l’intendant en faisait dans la province un centre où venait aboutir tout le contentieux administratif, même les affaires purement judiciaires. Sans doute les juridictions extraordinaires continuaient de fonctionner, les cours gardaient leur compétence, mais l’intendant exerçait sur elles une influence prépondérante, parfois même despotique, par ce fait qu’il avait le droit d’en contrôler tous les actes et la procédure. Il devait exiger des substituts des procureurs-généraux les déclarations des abus et contraventions commises dans l’étendue de leur ressort, et la justification des réquisitions et diligences faites pour les réprimer, et, comme l’intendant recevait lui-même l’impulsion du conseil du roi, la justice tendait dans tout le royaume à ne plus émaner, que de cette assemblée. Les cours souveraines, les parlemens, les cours des aides, la chambre des comptes, n’échappaient pas elles-mêmes à la domination du conseil, à l’influence des intendans. La plupart de ceux-ci étaient d’ailleurs maîtres des requêtes ; ils avaient à ce titre entrée au parlement

  1. Le premier volume de cette publication, faite sous les auspices du ministère des finances, ne tardera pas à paraître.