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cerveau. Plus cette excitabilité est grande, plus les mouvemens cardiaques sont prononcés et plus aussi les impressions consécutives sont délicates. C’est parce que les femmes et les enfans ont ces nerfs plus excitables qu’ils ont aussi le cœur plus profondément affecté par les passions ou, comme on le dit, le cœur plus tendre et plus sensible.

Tandis que le cœur semble être plus immédiatement sous l’influence des sentimens, le poumon parait être en connexion avec les pensées. Lorsque nous sommes absorbés dans une profonde méditation, ou lorsque nous écoutons un orateur dont le discours nous attache, nous suspendons notre mouvement respiratoire à l’état d’expiration. M. Darwin explique ingénieusement ce phénomène en l’attribuant à l’habitude que nous avons contractée de ne pas respirer quand nous écoutons avec attention, afin de ne troubler par aucun souffle le silence qui nous est nécessaire.

De ce que les affections réelles de l’âme et par suite du cerveau se traduisent nécessairement par un trouble des fonctions respiratoires et circulatoires, on peut tirer cette conclusion que le cœur et la tension artérielle sont le vrai thermomètre des états passionnels. C’est pour cela que l’acteur qui veut prouver qu’une situation dangereuse ne l’intimide pas saisit la main de celui qu’il veut rassurer ou convaincre, et la place sur son cœur pour lui prouver que les battemens de cet organe ont conservé leur rhythme ordinaire. C’est pour cela aussi que les cris et les gestes ne doivent pas être considérés comme l’indice certain de la passion. Quand vous voyez une femme pleurer, s’agiter, à la nouvelle de quelque événement malheureux, vous n’avez qu’à examiner son pouls : s’il est dans l’état ordinaire, vous pouvez affirmer que l’émotion de cette femme est simulée. Au contraire, si vous en voyez une autre dont la peine ne se manifeste par aucun signe extérieur, mais dont le cœur bat avec un désordre inaccoutumé, vous pouvez conclure qu’elle feint un calme qui n’est pas dans son âme. Il y aurait encore un autre moyen de reconnaître et même de mesurer sûrement les énergies passionnelles. Ce serait d’appliquer soit sur le pouls, soit sur le cœur, les appareils délicats inventés par M. Marey, et qui tracent sur une feuille de papier noirci des courbes plus ou moins sinueuses, indiquant le nombre, la force et la forme des battemens du pouls ou des contractions du cœur. De même que ces appareils permettent d’obtenir des tracés dont l’aspect révèle immédiatement la nature des mouvemens du cœur dans telle ou telle maladie comme la fièvre, le typhus, la pneumonie, ils pourraient procurer des graphiques du mouvement du cœur dans les diverses passions comme l’amour, la peur, la tristesse, la joie, la colère, etc. Chacun de ces états de l’âme