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rielle est finie ! c’est bien heureux. Et après ? la situation est-elle meilleure ou plus claire cette semaine que la semaine dernière ? L’assemblée, parce qu’elle a eu deux avis différens en cinq jours, est-elle plus sûre de savoir ce qu’elle veut et ce qu’elle peut ? la politique ministérielle, parce qu’elle a eu son bill de confiance, est-elle sortie de cette épreuve plus nette, plus distincte, plus dégagée de cette diplomatie où elle se croit condamnée à chercher sa force, et où elle ne trouve qu’une faiblesse chronique ? C’est là précisément la question.

Cette crise, qui aurait pu sans doute être plus grave, et qui a eu du moins l’avantage de ne point émouvoir sensiblement le pays, elle résume et caractérise plus qu’on ne croit une situation tout entière. Elle est née le jour même où l’assemblée s’est trouvée de nouveau réunie après les courtes vacances du 1er janvier, et, par une circonstance aussi curieuse que significative, c’est un légitimiste sans peur, M. le marquis de Franclieu, qui l’a provoquée, sans trop le savoir peut-être, en offrant à une partie de la droite mécontente et chagrine une occasion de faire sentir l’aiguillon au gouvernement. C’est M. le marquis de Franclieu, champion intrépide de la décentralisation et du roi, qui a proposé l’ajournement de la loi sur la nomination des maires, ajournement qui a été voté par une assemblée assez incomplète et qui a déterminé la démission immédiate du cabinet. Cette démission était-elle bien sérieuse. Elle aurait pu le devenir certainement dans des conditions parlementaires moins équivoques, plus définies, si le vote du 8 janvier eût été la victoire d’une opinion décidée. Elle aurait été acceptée sur-le-champ, comme elle avait été offerte ; mais d’un côté M. le président de la république semble avoir voulu laisser à son cabinet le temps de renouer les fils embrouillés de sa majorité, de se ménager une revanche. D’un autre côté, la droite, un moment étonnée, s’est aperçue bien vite qu’on faisait fausse route, que, si elle laissait tomber le cabinet actuel, elle était exposée à voir se former un ministère qui ferait moins de façons avec elle, qui inclinerait un peu plus vers le centre gauche. Aussitôt on s’est mis à l’œuvre, on a délibéré, on s’est rapproché, on a négocié. Il a été convenu que M. de Franclieu n’était qu’un boute-feu, que le vote du 8 janvier n’était qu’une surprise laissant intacte la politique générale du gouvernement, qu’il fallait chercher un moyen de revenir sur ce qui avait été fait, — et en fin de compte tout ce travail intime a conduit à la séance de lundi dernier. Ce jour-là en effet a eu lieu la grande résipiscence. C’est M. de Kerdrel qui s’est chargé d’être le porte-parole de la droite, le provocateur des explications de paix, en commençant par une dissertation des plus philosophiques et un peu protectrice sur le danger des crises ministérielles trop fréquentes. M. de Kerdrel a dit très sérieusement en particulier que les ministères ne devaient pas être trop susceptibles et que les assemblées ne devaient pas se montrer trop exi-