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de ces documens autour d’un sujet plus restreint : Catherine II dans sa famille.

Sur ses premières années, nous avons déjà un monument d’un prix inestimable : ce sont les Mémoires, les confessions de Catherine elle-même, publiés en 1859 par Alexandre Herzen. Le célèbre publiciste n’avait d’ailleurs à sa disposition qu’une copie incomplète du manuscrit authentique, qui est encore conservé comme un secret d’état aux archives de Saint-Pétersbourg, scellé du sceau de l’empereur Nicolas. On n’écrira jamais rien sur cette princesse qui égale l’intérêt original, la sincérité pleine de réticences, la naïveté pleine d’embûches de son propre récit. Mon but est d’apporter à l’étude de ces mémoires des élémens de contrôle, une sorte de commentaire et de complément nécessaire. Aux publications de la Société d’histoire de Russie, j’ai pu joindre celles de l’infatigable M. Barténief, conservateur de la bibliothèque Tchertkof à Moscou : d’abord ses Archives du prince Voronzof, — les Voronzof ont joué un rôle capital sous les règnes d’Élisabeth et de Catherine, — puis sa collection sur le Dix-huitième siècle et quelques volumes de son grand recueil quasi-périodique, l’Archive russe. En outre M. Solovief, pour les derniers volumes publiés de son Histoire de Russie, où il rencontre déjà notre héroïne devenue grande-duchesse, a fait de nombreux emprunts aux papiers d’état conservés à Saint-Pétersbourg et à Moscou. Il semble que les publications russes aient piqué d’honneur un érudit allemand, M. Siebigk, qui a puisé à son tour dans les archives de la maison d’Anhalt pour nous donner de curieux détails sur la conversion de Catherine à l’orthodoxie et son voyage de fiançailles en Russie (1744-1745). Nous verrons ainsi Catherine II jeune fille, fiancée et jeune femme. Puis les années se passent ; nous la retrouverons impératrice, mère et bientôt grand’mère. À son tour, il lui faut songer à marier les siens, d’abord son fils le grand-duc. Paul, ensuite ses petits-fils, Alexandre et Constantin, enfin sa petite-fille Alexandra Paulovna. Sur ces négociations matrimoniales, sur l’intérieur de la famille impériale, les publications récentes apportent de piquantes révélations. Catherine II ne peut que gagner à être mieux connue ; l’histoire vraie lui sera toujours plus indulgente que les pamphlets qui en ont si longtemps usurpé la place.


I.

La future héritière de l’empire fondé par Pierre le Grand n’était en 1743 qu’une fillette de quatorze ans et l’une des deux cents princesses à marier dont pouvait alors s’enorgueillir la féconde Allemagne. Elle n’était même pas de famille régnante : son père, Christian-Auguste, n’était qu’un cadet de la maison de Dornburg, qui