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IV

L’heureuse campagne parlementaire qui avait réussi à fonder l’unité de toutes les forces destinées à lutter contre l’esprit de faction et de désordre s’était accomplie sous l’influence d’une politique ennemie de toute équivoque, sincèrement libérale et confiante dans la raison publique. Cette empreinte se retrouve tout entière dans les grandes lois que Casimir Perier a eu à défendre à la tribune et dans l’histoire plus secrète des demandes de lois contre lesquelles il a eu à se défendre, — lois de circonstance et d’exception que des amis imprudens et même quelques membres éminens de l’opposition, comme M. Odilon Barrot et le général Lamarque, s’efforçaient de faire prévaloir, au nom du salut public, dans la pensée du président du conseil. On n’a connu que plus tard le détail de ces démarches et des luttes intimes dont elles ont pu être l’occasion par les protestations énergiques et répétées de Casimir Perier : de telles suggestions répugnaient à ses principes libéraux, autant qu’au système hardi, mais national, qu’il croyait le plus propre à triompher des difficultés amoncelées devant lui. Voyez en quels termes s’exprimait à cet égard la noble susceptibilité de sa conscience et de sa raison en août 1831 : « Résistant à plus d’un avis sincère, mais imprudent, le gouvernement continue à repousser l’idée de toute mesure d’exception… C’est aux mœurs publiques de venir aussi pour leur part au secours des lois contre la domination des partis. Qui de vous en effet, messieurs, ne sait que leur puissance, leur tyrannie est usurpée, et qu’elle ne s’exerce que par une fausse terreur sur des timidités toutes volontaires ? C’est la peur qui sert les partis, qui les grandit, qui les crée, car c’est elle qui fait croire à leur pouvoir[1]. »

Près d’une année après, en février 1832 : « Je me sens blessé dans mes sentimens les plus intimes, dans mon orgueil français, quand j’entends conseiller au pouvoir des actes qui me paraissent de nature à compromettre devant le pays, devant les peuples étrangers, devant l’avenir, la bonne foi, la dignité, la sagesse, l’honneur de cette révolution. Et qu’est-ce autre chose cependant que de lui conseiller de se faire un gouvernement de parti[2] ? »

Est-il besoin de dire, après avoir rappelé de telles paroles, que les lois politiques, discutées et promulguées sous la présidence de Casimir Perier, ont toutes été fidèles à cette politique si énergiquement calme qui écartait de la législation les expédiens pour n’y introduire

  1. Séance du 9 août 1831.
  2. Séance du 6 février 1832.