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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mai 1874.

Il y a un temps pour les fantaisies, il y a un temps pour la raison et pour l’action sérieuse. Ces six semaines d’interrègne parlementaire qui viennent de s’écouler, on les a bizarrement employées à disputer et à divaguer, à écrire des lettres, à jouer aux ombres chinoises dans des polémiques subtiles ; on n’a réussi tout naturellement qu’à obscurcir les choses les plus simples et les plus claires, à désorienter un peu plus le pays, déjà lassé d’incertitudes, et à rendre pour ainsi dire plus criante la nécessité de sortir de cette atmosphère trouble qu’on nous fait. Le retour de l’assemblée a le mérite d’en finir avec ces agitations dans le vide, de remettre tout le monde en présence de la réalité, de contraindre tous les petits calculs, les arrière-pensées, les combinaisons secrètes, à se dévoiler et à se préciser. Maintenant que l’assemblée est de nouveau réunie, il ne s’agit plus de jouer avec des fantômes, d’écrire des consultations de fantaisie sur le septennat-institution et le septennat personnel, de laisser entrevoir l’arrivée prochaine de M. le comte de Chambord à Versailles. La situation va se dessiner nettement dans ce qu’elle a de grave et d’impérieux. Les problèmes trop longtemps ajournés vont se poser ou plutôt s’imposer. Les partis ne renonceront pas à leurs subterfuges et à leurs manœuvres, il faut bien s’y attendre ; ils ne feront que hâter des solutions inévitables, ils se sentent eux-mêmes sous le poids des circonstances qu’ils ont contribué à créer. Toute la question est de savoir si l’on peut, si l’on veut essayer de prolonger une équivoque désastreuse pour tous les intérêts extérieurs et intérieurs du pays, ou si l’on est enfin décidé à se placer en face de la situation telle qu’elle apparaît au début de cette session nouvelle. Au point où nous en sommes, on peut dire que ce n’est plus même là une question, ou du moins elle est tranchée par une sorte d’instinct universel. Tout le monde a le pressentiment que la session qui vient de s’ouvrir doit être décisive. Les députés arrivent de leurs provinces avec