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un intérieur plus vertueux. Ce bel enfant, à demi couché sur une chaise, d’un air moitié triste, moitié boudeur, une jambe pendante, un genou relevé, est trop aimable et trop bien sculpté pour aller grossir la pacotille de la demoiselle à ceinture dorée. Rendons la même justice à l’Enfant au lézard, de M. Bouré, sculpture d’imagination pauvre et d’exécution peut-être un peu maigre, mais souple de mouvement, suave et bien enveloppée. La dame du logis repousserait sans doute également l’Enfant au tambour, de M. Jannin, étude vivante et sincère, mais dont l’intention est difficile à saisir, et dont l’aspect n’a rien de plaisant. En revanche, avec quel plaisir elle rangerait sur son étagère, au milieu des potiches japonaises et des curiosités cosmopolites, la Prêtresse d’Isis, de M. Cordier, en bronze émaillé et multicolore ! Il est avéré que les anciens coloriaient souvent leurs statues ; les Grecs eux-mêmes le faisaient quelquefois, les Égyptiens le faisaient presque toujours. Ils avaient tort, mais il est probable qu’ils auraient bien ri devant cette momie tirée de son sarcophage et si pompeusement remise à neuf.

Après la statue archéologique, voici venir la statue moderne dans la personne du Figaro, de MM. Amy et Boisseau. La draperie classique fait place au vêtement, à la culotte de velours, au pourpoint brodé, au jabot de dentelles ; les lignes se brisent, la forme disparaît, la composition elle-même se surcharge de mille accessoires. C’est le tableau de genre transporté dans la sculpture avec son dessin chiffonné, ses effets pittoresques et ses intentions spirituelles. Ce Figaro n’est pas une statue, c’est une statuette de grande dimension. Cette guitare, ce bonnet, cette plume, cette ceinture, ces chiffons à mille plis, ces lignes capricieuses, tout ce travail de terre cuite s’accorde mal avec la blancheur du plâtre. On pourrait presque adresser le même reproche au Lulli de M. Schœnewerk. Cette statue ne rappelle le grand siècle que par sa lourdeur ; pour tout le reste, elle est une médiocre imitation du XVIIIe siècle et de son continuateur contemporain M. Falguière. Quoique le costume Louis XIV se drape plus aisément et se prête mieux à la sculpture que le costume espagnol, l’homme disparaît encore sous l’habit.

C’est là le grand écueil du portrait moderne. Les petits effets pittoresques, le soin et le fini des détails, le travail des cheveux et des étoffes, sont souvent indispensables pour dissimuler la laideur de nos accoutremens mesquins. Les bustes eux-mêmes ne peuvent guère s’en passer, à plus forte raison les statues en pied. Il est grotesque de représenter, comme on a longtemps essayé de le faire, un homme moderne dans la nudité d’un héros grec ou sous la toge d’un sénateur romain. D’un autre côté, l’habit bourgeois, comme M. Barre en fait la triste expérience dans sa remarquable statue de