Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 3.djvu/794

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme tous les sols, » écrivait l’abbé Bandeau en sa Chronique secrète. Malheur à qui lui semblait tiède pour la sainte cause ! Si ses sœurs, sa chair et son sang, avaient mal pensé, elle les eût poursuivies comme une furie. Par ce qu’elle aurait fait contre ses sœurs, qu’on juge de ce qu’elle a osé entreprendre contre Marie-Antoinette, lorsqu’elle a cru que la reine encourageait l’impiété en France ! Après Madame Adélaïde, le comte de Provence et le duc d’Orléans, nul n’a plus contribué que Madame Louise à perdre Marie- Antoinette. Ce n’est pas de la malveillance, c’est de la haine qu’elle voua dans son cœur à l’Autrichienne.

On sait combien Madame Adélaïde était contraire au mariage du dauphin avec une archiduchesse d’Autriche. Hostile à Choiseul et à son parti, pénétrée d’une façon plus ou moins inconsciente des principes traditionnels de la politique française, entêtée des préjugés séculaires et très patriote à sa manière, jamais elle n’approuva l’alliance de la maison de France avec la maison d’Autriche. Certes, quand on lit certaines lettres de Marie-Thérèse, quand on se rend à l’évidence sur la conduite politique de Marie-Antoinette à l’égard de la France, on constate que les rapprochemens entre ces deux puissantes maisons n’ont guère amené cette union de vues et d’intérêts rêvée par Louis XV, poursuivie par ses ministres. C’est surtout parce qu’elle n’était guère capable de réfléchir qu’Adélaïde eut cette intuition très juste. Elle n’en fit pas moins bon visage d’abord à la petite Antoinette. Marie-Thérèse avait remis à sa fille des lettres pour Mesdames : alors elle célébrait leurs vertus, vantait leurs talens, exhortait son enfant à mériter leur amitié. Deux mois après, en juillet 1770, le comte de Mercy-Argenteau, d’ailleurs endoctriné par le duc de Choiseul, ne manque pas de signaler les inconvéniens, les périls même, d’une intimité trop étroite de la dauphine avec ses tantes. Il reconnaît que ces princesses sont respectables, qu’aucune société ne convient mieux à l’archiduchesse, mais il redoute leur exemple et leurs conseils : déjà elles la rendent timide, l’éloignent du roi. L’envahissante influence d’Adélaïde est surtout notée avec défaveur. « Le refus de porter un corps de baleines, la répugnance à tenir le cercle et le jeu…, un peu plus de timidité contractée vis-à-vis du roi, tout cela et bien d’autres circonstances sont l’effet des conseils de Madame Adélaïde (19 septembre 1770). » Sophie, subjuguée par sa sœur aînée, est enveloppée dans le même blâme : on leur oppose Madame Victoire, « la meilleure des trois sœurs ; » cette bonne princesse en effet traita la nouvelle dauphine comme feue sa sœur Henriette avait traité Marie-Josèphe de Saxe ; elle la guida en toute franchise, la conseilla sans arrière-pensée, lui fit peut-être entendre d’une façon discrète qu’une conduite unie et