de notre esprit, l’auteur pourrait tout aussi bien dire que Schopenhauer : « Le monde est ma représentation, » et, en forçant le sens des mots, en appelant volonté, avec le philosophe allemand, ce que tout le monde appelle force, c’est-à-dire l’activité inhérente aux choses, il dirait encore avec le même auteur : « Le monde est volonté ; » si l’on réunit enfin les deux idées, le monde sera la volonté objective devenue objet de représentation, die Welt als Wille und Vorslellung. Un tel système pourra être caractérisé comme l’est en Allemagne le système de Schopenhauer, à savoir comme un réalisme idéaliste. Deux différences profondes séparent cependant le dynamisme de M. Magy et celui du philosophe de Francfort.
La première, c’est que pour Schopenhauer il n’y a qu’une seule force ; la volonté est une, et les individus ne sont que des momens, des accidens, des apparitions successives de cette volonté. Pour M. Magy au contraire, plus fidèle au point de vue leibnizien, les forces sont des élémens individuels, des simples, dont la réunion forme des composés ; l’âme est un de ces élémens simples, et elle se distingue du corps non-seulement par la supériorité de ses attributs, mais comme le simple se distingue du composé. En outre, pour Schopenhauer, la force est antérieure à l’intelligence, la faculté représentative n’est qu’un accident de la volonté ; par conséquent la volonté prise en elle-même n’est pas une intelligence, elle est absolument irrationnelle et inconsciente. Pour le philosophe français au contraire, l’intelligence est la plus haute expression de la force. La force en soi doit donc être aussi intelligence en soi. Ainsi le dynamisme de Schopenhauer est un dynamisme panthéiste ou même athée, tandis que le dynamisme de M. Magy est spiritualiste et théiste. « Eh quoi ! s’écrie l’auteur dans une page vraiment éloquente, n’existe-t-il aucune intelligence qui soit non-seulement raisonnable, mais la raison même ? La pure essence des choses, qui déjà dans le champ de l’étendue se traduit partant de merveilles à la lumière de ce soleil visible, est-elle inaccessible à tous regards, plongée de toute éternité dans des ténèbres sacrilèges ? Cette nature qui s’ignore, qui ne sait pas qu’elle est digne du regard d’un dieu, retient-elle en soi, comme dans un abîme, le principe interne de sa beauté sans aucun témoin qui le voie de la claire vue, qui le contemple à découvert et sans voiles ? Pour moi, cette pure intelligence, à qui est présent tout intelligible, qu’elle embrasse et pénètre sans effort par une intuition toute-puissante, j’essaie en vain de supposer sa non-existence, contraint de reconnaître par une évidence irrésistible que de la part d’un être pensant le comble de la déraison est de supposer que la raison n’est pas. »