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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/162

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en Europe. Depuis son retour au pays natal, on le retrouve à chaque instant mêlé aux négociations comme aux actes hostiles à la domination néerlandaise à Sumatra. Il avait pourtant visité la Hollande pendant son séjour en Europe, muni d’un passeport de la légation hollandaise à Paris. Peut-être, en se rendant mieux compte que les Orientaux ne savent le faire de la petitesse relative du royaume des Pays-Bas, crut-il à son impuissance finale dans l’archipel malais, si l’on parvenait à réunir les populations indigènes sous l’hégémonie d’Atchin. Sa prétendue mission en France reçut de tout cela une sorte de sanction a posteriori. Ce qui est certain, c’est qu’il intrigua dans ce sens à Sumatra auprès des rajahs, se faisant fort de leur garantir l’appui de la France et de la Turquie. En 1865, il décida le rajah de Simpang-Kirie à attaquer du côté de terre la position néerlandaise de Singkel, tandis que lui-même l’attaquerait par mer. L’entreprise échoua misérablement, et, circonstance des plus fâcheuses pour l’entrepreneur, Sidi-Mohamed avait juré par Allah et son prophète qu’il ne prendrait aucun repos avant d’avoir mis le pied sur le sol de Singkel : il n’avait pas même pu débarquer; mais les hommes tels que lui savent toujours se tirer d’affaire. Il fit venir une pirogue chargée de terre prise à Singkel, se campa majestueusement, sur le territoire ainsi conquis, et son vœu fut accompli.

Avec tout cela, et bien que ses relations avec la cour d’Atchin ne semblent pas avoir toujours été très cordiales, il est indubitable qu’il contribua à imprimer à la politique atchinoise une direction qui devait augmenter les soucis causés au gouvernement colonial par les allures fantasques du turbulent royaume. Le fait est que depuis lors les gouvernans atchinois se vantèrent, comme d’une chose qui allait d’elle-même, de pouvoir invoquer à l’heure de leur convenance l’intervention de la France et de la Turquie. Entre autres faits peu connus, il faut mentionner la remise à Napoléon III en 1867 d’une lettre du sultan d’Atchin par laquelle ce souverain faisait en quelque sorte hommage de ses états à la France. Cette démarche n’eut aucune suite, et n’en pouvait avoir. La politique française, depuis le règlement définitif des affaires belges, ne peut être que sympathique à l’indépendance comme à la prospérité des Pays-Bas; mais la tentative atchinoise doit se rattacher aux inspirations rapportées de Paris par Sidi-Mohamed. Ajoutons que le caractère aventureux et chimérique de l’empereur ne permettait pas au gouvernement hollandais de laisser passer ces avances tout à fait inaperçues. Qui savait au juste quelle lubie pouvait traverser ce cerveau plein de rêves ?

Cette question mise à part, la position du gouvernement néerlandais devenait toujours plus difficile. Son prestige auprès des