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populations indigènes souffrait beaucoup de son impuissance apparente à détruire cette tanière de pirates qui le narguaient avec impudence. S’il se décidait à des mesures énergiques, l’Angleterre ne manquerait pas de lui rappeler ses engagemens de 1824. Elle lui avait même adressé des représentations aigres-douces au sujet de l’extension de sa domination dans l’île de Sumatra. D’autre part, l’Angleterre entendait, et les autres puissances maritimes entendaient avec elle, que les forces néerlandaises assurassent la tranquillité des mers et des transactions commerciales dans une région dont la police navale leur incombait très spécialement. Les gouverneurs-généraux des Indes néerlandaises tâchèrent à plus d’une reprise de porter remède à la situation par les voies conciliantes. On envoya des navires dont les capitaines étaient porteurs d’avances pacifiques. Ils devaient engager le sultan à traiter avec le gouvernement néerlandais sur la base du droit des gens reconnu par les nations civilisées. Ces missions furent toujours infructueuses; d’ailleurs eussent-elles réussi au premier moment qu’elles n’eussent procuré aucune garantie pour l’avenir. L’autorité du sultan sur son peuple, surtout sur les panglimas, était si faible qu’il n’aurait pu leur imposer ses vues pacifiques, à supposer qu’elles fussent sincères. C’est à l’occasion de l’une de ces missions, tentée en 1855, qu’un ministre du sultan racontait à l’envoyé néerlandais que l’empereur Napoléon, très désireux de nouer des relations d’amitié avec le sultan d’Atchin, lui avait offert une frégate à vapeur et le grade de capitaine dans la marine française; le sultan avait refusé par discrétion. De pareilles hâbleries se réfutaient d’elles-mêmes; elles n’en dénotaient pas moins de la part des politiques atchinois une tendance constante à chercher de quel côté de l’Europe ils pourraient susciter des compétiteurs à la Hollande. C’est au chargé de pouvoirs de 1855, au capitaine Courier Dubekart, qu’un interprète vint révéler les offres brillantes qu’on lui avait faites pour qu’il consentît à l’empoisonner avec tout son équipage.

Ces réceptions peu encourageantes n’empêchèrent pas le gouvernement colonial de persévérer dans ses efforts concilians. On se flattait de l’espoir qu’on parviendrait à prendre pied à la cour d’Atchin et à vaincre les préjugés de la population. En 1856, on réussit à obtenir du sultan qu’il répondrait à ces avances par une lettre amicale au gouverneur-général. On se flattait déjà d’avoir fait un pas vers la fin désirée, quand on apprit que le même sultan venait d’écrire au gouverneur anglais de Singapour, dans des vues très hostiles à la Néerlande, pour lui demander s’il ne lui conseillait pas de se refuser à tout arrangement. Le gouverneur anglais était heureusement un homme de sens, et il répondit au sultan qu’il ferait bien mieux d’accepter les propositions néerlandaises. En 1857, le