l’instrument le plus formidable de combat ; nous allons plus loin : il n’est plus, il n’a jamais été l’instrument le plus efficace de la guerre maritime.
La guerre est l’appel à la force d’un peuple convaincu de son droit pour le maintien de ce droit, c’est-à-dire la négation la plus absolue de la justice et de la raison humaine ; le but de la guerre est dès lors défaire le plus de mal possible à l’ennemi. Quelles que puissent être les répugnances des esprits illogiques, il n’est pas d’autre droit de la guerre. Ces deux mots « hurlent de se trouver accouplés ensemble, » et une cruelle expérience qu’il ne nous est pas permis d’oublier prouve que ce ne sont en vérité que des mots, et que désormais qui veut la fin doit se résigner à vouloir les moyens.
Au temps où la souveraineté de la mer était un de ces moyens les plus assurés, cette souveraineté était l’objectif que poursuivaient deux nations rivales sur les champs de bataille de l’Océan. Il n’en est plus ainsi de nos jours. Nous avons essayé de faire comprendre que les résultats de cette souveraineté seraient bien amoindris, et qu’il est permis de croire que les victoires les plus décisives ne donneraient à la nation victorieuse qu’une gloire stérile sans avantages positifs, autres que la destruction plus ou moins complète de la flotte vaincue. Il est peu probable dès lors, en supposant même que, par suite d’une égalité presque impossible à réaliser, la victoire semble incertaine entre deux escadres, que ces deux escadres en viennent aux mains dans des rencontres cherchées, voulues, comme au temps de la marine à voile. La guerre d’escadre, la grande guerre tend donc à disparaître dans les marines secondaires, et pour celles que l’infériorité du nombre semble condamner d’avance à une défaite assurée ; avec elle disparaît également l’importance du vaisseau cuirassé, dont le rôle se bornera à concourir avec les béliers, les bateaux-torpilles et les torpilles elles-mêmes à la défense des côtes. Est-ce à dire que le but essentiel de la guerre ne sera pas atteint ?
Les nations modernes ne sont riches et puissantes que par leur industrie et leur commerce. L’Angleterre compte dans sa marine marchande 39,087 navires, jaugeant ensemble 7,185,530 tonnes, la marine des États-Unis est de 16,943 navires portant 2,572,602 tonneaux, celle de l’Allemagne 5,122 navires et 1,035,972 tonneaux, tandis que les marines de France et d’Italie, où la disproportion du chiffre des navires à celui du tonnage prouve l’infériorité de la navigation au long cours, comprennent, la première 15,778 navires avec
guerre à défier celles de l’ennemi ; mais ce jour-là, nous n’hésitons pas à le dire, ce ne seront pas des navires cuirassés qui soutiendront l’honneur du pavillon national ; c’est cette flotte de l’avenir que, sans tarder, il est nécessaire de songer à constituer. »