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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/233

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REVUE. — CHRONIQUE.

tement noble ; il est allé à Frohsdorf sans arrière-pensée, sans équivoque, sans faire de conditions, comme cela a été dit un jour ; il y est allé en prince de la maison de Bourbon se rendant auprès du chef de la famille, et si cette démarche n’avait pas eu lieu plus tôt, c’est qu’elle n’avait pas rencontré aux premiers instans, dès 1871, un sensible empressement auprès de M. le comte de Chambord ; elle avait été éludée, on le sait aujourd’hui, si bien qu’aux yeux de beaucoup de légitimistes eux-mêmes M. le comte de Paris était dégagé de toute obligation ; ce qu’il a fait, il l’a fait librement, spontanément. Les amis des princes d’Orléans ont-ils détourné M. le comte de Paris du voyage de Frohsdorf ? Tout au contraire ils l’ont approuvé, conseillé. M. le duc d’Audiffret-Pasquier notamment n’avait point été des derniers à se prononcer ; il avait vivement appuyé la résolution de M. le comte de Paris. La campagne monarchique une fois engagée, ceux qu’on appelle les orléanistes songeaient-ils à élever des exigences, à créer des obstacles ou des difficultés ? Les conditions essentielles d’un régime constitutionnel leur apparaissaient comme assurées, cela leur suffisait ; ils n’avaient de scrupules ou de répugnances décidées que sur une seule question, dont ils ne se dissimulaient pas la gravité, mais qu’on ne croyait pas alors insoluble, celle du drapeau. Ici intervient M. le maréchal de Mac-Mahon, jetant dans la balance le poids de sa parole, de son instinct de soldat, de sa prévoyance de chef de l’armée et du gouvernement. M. le président de la république ne le cache pas, il déclare à M. le duc d’Audiffret-Pasquier qu’il n’entend pas se mêler des arrangemens des partis, qu’appelé par l’assemblée à faire respecter ses décisions, à maintenir l’ordre, il remplira sa tâche, que cependant il doit faire une exception. « On parle, dit-il, de substituer le drapeau blanc au drapeau tricolore, et je crois devoir à ce sujet vous donner un avertissement. Si le drapeau blanc était levé contre le drapeau tricolore et qu’il fût arboré à une fenêtre tandis que l’autre flotterait vis-à-vis, les chassepots partiraient d’eux-mêmes, et je ne pourrais répondre ni de l’ordre dans les rues ni de la discipline dans l’armée. » C’était clair, catégorique et inspiré du sentiment le plus juste de l’honneur, des susceptibilités du pays, des nécessités les plus impérieuses d’ordre public.

Ainsi dans cette crise singulière, qu’un Henri IV eût dénouée du premier jour, M. le comte de Paris faisait son devoir en écartant la difficulté qu’on représentait comme la plus considérable, celle d’un antagonisme de dynastie. Les constitutionnels, les amis des princes d’Orléans, faisaient leur devoir en se prêtant à tout, sauf à l’impossible. M. le maréchal de Mac-Mahon faisait son devoir en montrant le péril où l’on courait, en déclarant qu’on allait à une guerre civile, la seule qu’il ne pût pas maîtriser. Voilà la vérité. Qu’on accuse M. le duc d’Audiffret et ses amis de n’avoir pas tout dit au courant de la crise, d’avoir quelque peu pallié les points aigus dans la mission de ce brave M. Chesnelong, d’a-