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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/234

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voir laissé croire jusqu’au dernier moment que la question du drapeau ne serait pas au-dessus d’une inspiration généreuse de conciliation, soit : le pays, le pays seul, pourrait peut-être leur reprocher de s’être engagés dans une telle entreprise sans garanties, sans conditions fixées d’avance. Les légitimistes n’ont certes pas le droit d’accuser de leurs mécomptes ceux qui prouvaient précisément leur sincérité en laissant jusqu’au bout la porte ouverte à une transaction, en poussant presque jusqu’à l’excès les ménagemens les plus propres à faire réussir cette tentative de restauration monarchique. D’où est donc venue l’impossibilité ? La lettre du 27 octobre a paru et la monarchie s’est évanouie ! L’effet a été éclatant, absolu, instantané, on le sait bien. Et maintenant ce qui a été impossible au mois d’octobre, les légitimistes pensent-ils pouvoir le faire aujourd’hui ? Qu’ont-ils à offrir de nouveau ? Ne sont-ils pas les premiers à répéter sans cesse que la pensée de M, le comte de Chambord est invariable, qu’elle est dans les manifestes de 1871, dans la réponse si singulièrement hautaine à M. l’évêque d’Orléans, comme dans la lettre d’octobre 1873 ? Est-ce que la situation, telle que la dépeignait M. le maréchal de Mac-Mahon, est changée ? N’importe, les légitimistes persistent. La droite, c’est un des factotums de M. le comte de Chambord, c’est M. Lucien Brun qui le dit, la droite est décidée à proposer la monarchie, celle de la lettre du mois d’octobre 1873 ; elle ne s’associera qu’à ce qui sera la monarchie, elle repoussera tout ce qui, « directement ou indirectement, » mettrait en doute la monarchie, — présidence septennale aussi bien que république conservatrice. En d’autres termes, on usera de l’importance parlementaire accidentelle dont on dispose pour déjouer toute autre tentative, pour réduire l’assemblée à l’impuissance, et c’est en empêchant tout qu’on espère arriver à être un peu moins impossible ! Les légitimistes savent-ils ce qu’ils font en ce moment ? Ils transportent dans nos malheureuses affaires une tactique ou une maxime étrange, ce liberum veto, qui fut un des instrumens de dissolution de l’infortunée Pologne. Mettre obstacle à tout dans le cas où l’on ne pourrait faire ce qu’on veut, suspendre les destinées du pays au liberum veto d’un homme ou d’un parti ! Si les légitimistes de l’extrême droite en sont là, ils sont marqués du sceau des partis qui finissent. S’il y a dans la droite des fractions plus modérées qui, sans abdiquer des convictions dont personne ne leur demande le sacrifice, comprennent le danger d’une telle politique, il n’est que temps pour elles de s’arrêter, de songer au pays, de se prêter aux seules combinaisons possibles à l’heure où nous sommes.

Quant au centre droit, son rôle ne semble-t-il pas tout tracé par la nature de ses opinions, de ses idées, de ses antécédens ? Il n’est pas, comme la droite, lié à la toute-puissance de l’inviolabilité traditionnelle, à la politique des miracles. C’est une réunion d’hommes éclairés, sensés, fibres d’esprit, sachant tenir compte des circonstances, ne recon-