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nombre de granulations ou plutôt de cellules vertes, ou plus rarement jaunes, bleues ou brunes. C’est ce qu’on appelle des gonidies. Le tissu qui les entoure est formé, en partie du moins, par des cellules filamenteuses appelées hyphes, cellules incolores constituant un lacis feutré, sur lequel les gonidies tranchent vivement par leur couleur. Pendant longtemps, on a regardé les gonidies comme parties constitutives et essentielles des lichens. Plus tard seulement la ressemblance de ces cellules avec certaines algues inférieures vivant de leur vie propre sur la terre, sur les pierres, sur les écorces, cette ressemblance a suggéré l’idée singulière que les gonidies pourraient n’être que ces mêmes algues enchâssées dans le tissu des lichens et liées à la vie de ces derniers par des relations dont il s’agissait de déterminer la nature. Y avait-il là simple cohabitation, simple commensalisme, pour employer le mot appliqué à certaines associations d’animaux, celle par exemple de l’huître et des petits crustacés déjà connus d’Aristote sous le nom de pinnothères ? Y aurait-il au contraire dépendance mutuelle entre le lichen et l’algue, et, dans ce cas, quel serait le parasite de l’autre, l’algue du lichen ou le lichen de l’algue? La première hypothèse est a priori très peu probable, puisque les diverses algues avec lesquelles on identifie les gonidies sont connues comme vivant à part, en dehors du tissu du lichen. Le parasitisme du lichen sur l’algue ou, pour mieux dire, de l’hypha filamenteux sur les gonidies semble résulter au contraire de ce fait que les filamens de l’hypha s’implantent en quelque sorte sur les cellules gonidiennes, qu’ils les enlacent de leurs replis, s’appliquent à leur surface, contractent des adhérences avec leurs membranes et semblent exercer sur elles une action débilitante qui en diminue le volume et en trouble l’évolution.

Ce fait et d’autres encore ont porté M. de Bary en Allemagne, M. Schwendener à Bâle, à admettre le parasitisme du lichen sur l’algue inférieure que renferme son tissu. Le lichen, dans cette théorie, devient un être complexe ou plutôt un composé de deux êtres, dont l’un, le substratum, est une algue, et l’autre une sorte de champignon vivant aux dépens du premier, hypothèse hardie sans doute, paradoxale même, mais qui, si elle trouve des opposans chez de savans lichénographes tels que le docteur Nylander, a rencontré un défenseur convaincu dans le docteur Bornet, d’Antibes, auquel d’admirables travaux sur les sujets de micrographie les plus délicats donnent une grande autorité[1].

C’est après avoir vu ainsi que moi les belles préparations microscopiques de M. Bornet que le docteur Weddell, correspondant de

  1. Voyez Bornet, Recherches sur les gonidies des lichens, Annales des sciences naturelles, 5e série, t. XVII.