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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/492

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En effet, les éléphans-étaient devenus les acteurs accoutumés des jeux du cirque. C’est en l’an de Rome 655 qu’on exposa pour la première fois ces animaux dans l’arène. Dès lors ce spectacle se renouvela fréquemment. Pompée, pour fêter son second consulat par un spectacle grandiose, fit combattre vingt éléphans contre des chasseurs gétules armés de javelots. César fit plus encore. Il avait amené à Rome les éléphans pris à la bataille de Thapsus. Le jour de son triomphe, on le vit se diriger vers le Capitole, précédé de quarante éléphans rangés sur deux files et portant dans leurs trompes d’immenses flambeaux. Ce spectacle, nouveau pour les Romains, ne l’était pas en lui-même. Les rois d’Egypte et de Syrie se faisaient quelquefois accompagner d’éléphans dressés à cet exercice, et auxquels on donnait le nom de porte-flambeaux, lychnophores. A Rome, c’était devenu chose ordinaire de faire combattre les éléphans dans le cirque, soit contre des gladiateurs, soit contre des taureaux ou des tigres. L’empereur Commode, qui était un gladiateur et descendait parfois dans le cirque, y tua un jour un éléphant d’un coup de pique.

Mais les spectacles les plus curieux furent ceux où l’on vit les éléphans remplir le rôle de mimes, de saltimbanques et d’acrobates. Les Romains avaient poussé très loin l’art de dompter les animaux et de leur faire accomplir les exercices les plus difficiles. Les dompteurs modernes ne font rien que les mansuetarii de Rome n’aient inventé il y a des siècles. Ceux de Rome ont obtenu des animaux des actes de docilité et des tours d’adresse dont on n’a pas vu d’exemples dans les temps modernes. Pour ne parler ici que des éléphans, on les dressait à des exercices si compliqués et si disproportionnés avec leur énorme taille qu’on aurait peine à les croire vrais sans le témoignage des écrivains de l’antiquité. « Dans les combats de gladiateurs que donna Germanicus, raconte Pline, les éléphans exécutèrent des mouvemens grossiers ressemblant à une sorte de danse. Leurs exercices ordinaires étaient de jeter dans les airs des armes que le vent ne pouvait détourner, de figurer entre eux des attaques de gladiateurs et de se livrer aux ébats folâtres de la pyrrhique (danse d’origine dorienne), puis ils marchèrent sur la corde tendue. Quatre éléphans en portaient dans une litière un cinquième représentant une nouvelle accouchée, et dans des salles pleines de peuple ils allèrent prendre place à table, en marchant à travers les lits avec tant de ménagement qu’ils ne touchèrent aucun des buveurs... Il est très curieux de les voir aller de bas en haut sur des cordes; mais ce qui l’est encore davantage, c’est de les voir aller de haut en bas. » Ces cordes raides, qu’on désignait du nom grec de catadromus, étaient tendues transversalement du sol à un point élevé, et les acrobates devaient monter et descendre