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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/493

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par le même chemin. Ce n’est pas la seule fois que Rome assista au spectacle d’éléphans funambules; elle le revit de nouveau, raconte Suétone, dans des fêtes données par Néron et par Galba. On vit même sous Néron un illustre chevalier romain se livrer à cet exercice monté sur un éléphant. La docilité naturelle de l’éléphant rendait possibles ces jeux étranges : Pline en donne un exemple dont il garantit l’authenticité. « Un éléphant d’une intelligence trop lente pour retenir ce qu’on lui enseignait, ayant été plusieurs fois fustigé, fut trouvé (c’est un fait certain) répétant la nuit sa leçon. »

De tels spectacles se continuèrent jusqu’à l’époque où Rome cessa d’être la résidence des empereurs. On employait encore les éléphans à d’autres usages. Aux jours de grandes cérémonies, on les attelait aux chars de parade destinés à porter les images des dieux et des empereurs. Les empereurs eux-mêmes paraissaient quelquefois en public sur des chars traînés par des éléphans. On faisait également appel à leur force pour exécuter de grands travaux mécaniques. Sous le règne d’Adrien, on employa 24 éléphans pour déplacer le colosse de Néron et pour le transporter près de l’amphithéâtre auquel il devait donner son nom.

Il y avait à Rome des édifices réservés à la demeure des éléphans qui figuraient dans les jeux du cirque. Il existait en outre des dépôts d’éléphans sur le littoral du Latium, notamment à Ardea et à Laurentum. L’air de la campagne était en effet meilleur pour ces animaux que celui de Rome. C’est également à la campagne qu’on avait établi l’infirmerie des éléphans : on avait choisi dans ce dessein et principalement à cause de ses eaux sulfureuses la charmante retraite de Tivoli célébrée par Horace. Ces eaux avaient la propriété de rendre leur blancheur aux défenses des éléphans quand elles étaient jaunies ou noircies à la suite de quelque maladie. Un éléphant avait-il les digestions difficiles, les défenses jaunes, le teint un peu pâle, on l’envoyait se remettre à Tivoli. Martial fait méchamment allusion à cet usage dans une épigramme sur une dame qui allait à Tivoli pour se blanchir les dents ou le teint.

Depuis l’époque romaine, on ne vit plus d’éléphans en Europe qu’à de rares occasions. Le calife Haroun-al-Raschid en envoya un en présent à l’empereur Charlemagne; les annalistes du temps racontent l’étonnement que causa l’arrivée de cet animal à Aix-la-Chapelle. Plus tard Frédéric II, à son retour de Palestine, saint Louis, à son retour de Syrie, amenèrent chacun un éléphant en Europe. Après leurs découvertes et leurs conquêtes dans l’Inde, les Portugais firent cadeau au pape Léon X d’un jeune éléphant.

L’éléphant comme animal de guerre ne devait plus se rencontrer qu’en Asie. Les Sassanides de Perse s’en servirent dans leurs luttes contre les empereurs de Constantinople. Dans l’Inde, où la race est