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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/521

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encore épuisé par les dépenses et les dévastations d’une guerre à outrance, où il a consumé une grande masse de capitaux, et par cela même anéanti une partie considérable de ses ressources productives. Dans une telle situation, quel était, dès la signature de la paix, et quel est encore le plan de conduite le plus raisonnable en matière de finances?

Ce serait s’abuser que de croire que, pour de tels problèmes, il y ait des solutions mystérieuses au-dessus de la portée du vulgaire, et qu’il faille nécessairement chercher en dehors des indications de l’expérience déjà acquise. Les ministres des finances qui, dans des circonstances très laborieuses, se sont montrés à la hauteur de leur rôle ont été avant tout des hommes de bon sens, et c’est du sens commun qu’ils se sont inspirés. Tels furent Sully et Colbert, tel fut Turgot, à qui on ne reprochera pas cependant d’avoir manqué de hardiesse, tel fut en 1816 M. Corvetto. Parmi les financiers fameux dans l’histoire, celui qui a eu l’insuccès le plus colossal est l’Écossais Jean Law, qui appliqua aux finances françaises une recette quintessenciée, tirée de sa théorie tout imaginaire sur le crédit.

Qu’un simple particulier, commerçant, manufacturier ou agriculteur, éprouve des revers accablans, par quels moyens s’efforcera-t-il de rétablir ses affaires? Il travaillera plus et s’appliquera à travailler mieux en s’appropriant les meilleures méthodes et les meilleurs procédés, que peut-être il avait négligés jusque-là. Il restreindra ses dépenses en répudiant tout ce qui dans son existence pouvait être taxé de luxe. En un mot, il recourra aux deux spécifiques recommandés par l’expérience et par la raison, d’une part son propre travail, accru à la fois en intensité et en qualité, et d’autre part une épargne vigilante. Il réussira ainsi infailliblement à amortir ses dettes et à régénérer graduellement sa fortune. Le travail et l’économie, les deux forces par lesquelles peut se relever l’individu, sont à plus forte raison les seules dont puisse s’assister une nation que l’adversité aura frappée cruellement, dont le capital aura été à demi dévoré par la guerre et la sédition, et qui aura formé, avec la ferme résolution de l’accomplir, le généreux dessein de se redresser sur son lit de détresse et d’humiliation.

Ainsi, au lendemain de cette paix dont les conditions ont été si dures et de cette rébellion de la commune qui a encore augmenté notre fardeau, le gouvernement, qui sentait la nécessité de mettre le pays dans des conditions où il pût, sans y succomber, subir ces nouvelles charges, devait s’appliquer à faire renaitre le travail, et à cet égard la bonne intention ne lui a pas manqué. Il devait s’efforcer de le développer et d’en augmenter la fécondité. Il devait de même déployer toute sa sagacité pour choisir parmi les projets de taxes nouvelles celles qui devaient le moins gêner le travail dans sa