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progrès a donc été réalisé, demande l’auteur, dans les huttes de feuilles de palmier chez les diverses tribus de l’Amérique du Sud et de l’archipel de la Malaisie depuis que ces régions sont habitées? L’abri de feuillage du Patagon et les terriers de quelques peuplades du sud de l’Afrique ne permettent pas de concevoir un état plus primitif. Près de nous, la cabane irlandaise faite de gazon et les amas de pierres des montagnes de l’Ecosse ne témoignent guère d’une amélioration sensible depuis une vingtaine de siècles. Ainsi parle M. Wallace sans s’apercevoir que chez une infinité de peuples la sélection naturelle n’accomplit pas de grands miracles. En rappelant combien est pauvre et stationnaire l’industrie humaine sur des parties considérables du globe, le naturaliste veut constater un fait essentiel. Personne, dira-t-il, ne juge que le sauvage édifiant sa hutte obéit à un pur instinct; il imite les constructions de ses proches et se sert des matériaux qu’il trouve à sa portée; ainsi se comporte l’oiseau. Le gentil roitelet, hôte des bois, se procure aisément de la mousse, et de mousse il construit son nid; lorsque la matière vient à manquer, il prend du foin et des plumes. Établie dans les champs cultivés, l’alouette emploie de l’herbe et souvent elle garnit le fond du nid avec des crins de cheval; attiré par la chair corrompue, le corbeau trouve à sa convenance le poil ou la laine des animaux morts qu’il rencontre. Les oiseaux des rochers, qui volontiers habitent les villes, se montrent habiles à user des objets les plus divers : morceaux de fil, brins de soie, fragmens d’étoffes, sont utilisés avec intelligence. Nous avons vu au milieu des arbrisseaux d’un jardin de Paris les nids de la fauvette cousus avec du cordonnet rouge tombé des mains d’une brodeuse. Très fréquemment l’oiseau modifie sa construction ordinaire pour l’adapter le mieux possible à l’emplacement choisi; c’est ainsi que M. Pouchet put observer à Rouen des hirondelles bâtissant sur les nouveaux édifices de la ville des nids d’une forme qu’on ne voyait pas autrefois.

Suivant l’opinion passablement justifiée de M. Wallace, les jeunes oiseaux apprennent à construire; ils imitent l’œuvre des autres. En effet, les individus élevés en cage, largement approvisionnés de bons matériaux, n’exécutent qu’un ouvrage informe. Les jolies bêtes emplumées paraissent donc s’instruire dans le métier d’architecte, comme dans l’art du chant. On cite des linottes gazouillant à la manière des alouettes qu’elles avaient eues pour compagnes, plusieurs oiseaux témoignant d’une éducation reçue de maîtres d’une espèce différente. Il y a bien, il est vrai, quelque difficulté à voir les moineaux, les chardonnerets, les fauvettes allant à l’école pour apprendre à bâtir. On suppose soit la jeune femelle unie au vieux mâle, soit la vieille femelle appariée au jeune mâle, et l’individu ignorant formé par les leçons de l’individu expérimenté; des observateurs