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de raviver l’intérêt était manifeste. Une pensée pleine de hardiesse avait fait fortune, il devenait utile de l’appuyer par une vue encore plus hardie. On avait juré par la sélection; on s’était écrié : Malheur aux faibles selon la loi de la nature. Seuls les individus les mieux doués doivent vivre et engendrer. Maintenant on dira : Malheur aux mâles les moins brillans; les femelles ont la passion de la beauté, la sélection sexuelle nous a valu la musique du grillon et le chant du rossignol, les ravissantes peintures de l’aile de certains papillons et le splendide plumage des mâles de beaucoup d’espèces d’oiseaux. Nous n’aurons qu’à suivre l’auteur pour assister au spectacle de la prétendue naissance des plus jolis agrémens que les créatures possèdent en ce monde.

Poussé par la volonté de conclure que l’homme a pour ancêtre un singe de catégorie inférieure, M. Darwin s’engage dans de longues dissertations sur l’anatomie; en cette affaire, il montre qu’il a beaucoup de lecture, mais nulle expérience personnelle. Il insiste sur les rapports de conformation de l’homme avec les mammifères en général, et multiplié les citations sans dédaigner les anecdotes indifféremment puisées à toutes les sources. Rien de plus facile. Depuis le commencement du siècle, les anatomistes se sont préoccupés d’une manière incessante des affinités qui existent entre les êtres; les relations des différens types mises en pleine lumière, l’unité d’un plan fondamental pour tous les animaux vertébrés, pour tous les animaux articulés, a été démontrée d’une façon irrécusable. Le résultat est un des triomphes de la science, mais on ne saurait en faire ressortir la grandeur sans se reporter un instant aux idées primitives et sans rappeler les efforts, les vues élevées, la pénétration, les succès enfin de nombreux investigateurs. La certitude étant acquise que l’homme et tous les animaux vertébrés sont construits d’après le même plan, c’est avec sûreté qu’on précise les différences dans les formes, dans le développement, dans les appropriations et le rôle des organes. Les comparaisons apprennent que chaque type, que chaque espèce, se rapprochant des autres types, des autres espèces par des traits généraux, s’en éloignent plus ou moins par des caractères particuliers. Dominé par l’esprit de système, M. Darwin envisage un seul côté de la question. Il s’applique à signaler des ressemblances frappantes entre l’organisme de l’homme et celui des grands singes, énonce après la foule des observateurs des vérités indiscutables, et, suivant un procédé qui n’est pas scientifique, il néglige de considérer les particularités établissant une démarcation nette et profonde entre des créatures qui ne jouissent pas des mêmes aptitudes.

Chez les êtres, plus avance le développement, plus se perfectionne l’organisme, et plus les signes caractéristiques se prononcent.