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Des types séparés les uns des autres par des traits fortement accusés semblent unis par des rapports extrêmement étroits lorsqu’ils sont dans la période embryonnaire. Au point de départ, parmi les représentans d’une grande division zoologique tout paraît identique ; mais chez les animaux vertébrés ne tardent pas à se manifester les caractères qui désignent le sujet comme un poisson, un oiseau ou un mammifère, et bien jeune encore est l’embryon que déjà se dessinent les particularités de la famille et du genre. Il suffit à M. Darwin, pour le besoin de sa thèse, d’affirmer que l’embryon humain diffère peu de celui d’un autre mammifère. Du moment qu’il est avéré que tous les animaux d’une classe sont conformés d’après le même plan, la présence d’organes rudimentaires s’explique. Des parties ayant soit une fonction plus ou moins considérable chez certains types, soit un caractère de généralité parmi les représentans du groupe, ne disparaissent pas chez les espèces où elles sont devenues inutiles; elles existent encore à l’état de vestiges. Ce sont des témoins du rôle important que ces parties remplissent ailleurs. Ainsi d’organes essentiels dans un sexe, qui dans l’autre sexe ne sont d’aucun service, comme les mamelles. M. Darwin se préoccupe des parties rudimentaires, et toujours il s’écrie : sélection, ensuite l’hérédité. En présence de chaque phénomène, de chaque particularité, redire le mot sélection est pour l’auteur de dessein arrêté. Naïfs, ceux qui s’imaginent que la science doit en tirer profit ! Parfois un organe est ordinaire pour les représentans d’une grande division zoologique, et néanmoins chez quelques espèces on n’en découvre pas la moindre trace; examinons ces espèces dans l’état embryonnaire, à ce moment l’organe est manifeste; mais il subira une atrophie complète pendant la marche du développement. Lorsqu’il s’agit de mollusques, tout le monde pense à l’animal traînant une coquille; il y a pourtant des mollusques sans coquille, par exemple les doris et les éolides, délicieuses créatures du monde de la mer. La doris et l’éolide, pendant la période embryonnaire, ont une coquille; c’est une apparition dont bientôt on ne verra plus la trace. Un des traits remarquables de l’organisation des mollusques ne fait donc pas absolument défaut chez l’espèce où il s’efface; il vient pour un instant révéler la parenté zoologique de l’animal. Que l’on attribue le caractère transitoire de la coquille de l’éolide à la sélection naturelle, cela dépasse les bornes de la fantaisie.

Après avoir vu, comme il le dit avec une plaisante ingénuité, que l’homme témoigne par la structure du corps de sa descendance d’une forme inférieure, M. Darwin examine et compare les facultés intellectuelles de l’homme et des animaux. Philosophes et naturalistes, penseurs et investigateurs de tout ordre doivent se