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demandé au nouveau ministre de l’intérieur si pendant les vacances le gouvernement laisserait se reproduire les tentatives monarchiques de l’an dernier ; M. le général de Chabaud-Latour a répondu honnêtement, loyalement, qu’on ne supporterait « aucune manœuvre contre l’ordre de choses établi,… contre le pouvoir issu de la loi du 20 novembre : » sur quoi M. le duc de Bisaccia a pris la parole pour déclarer en somme que lui et ses amis se réservaient le droit d’interpréter la loi du 20 novembre comme ils le voudraient, et que l’assemblée pouvait toujours donner à la France un gouvernement définitif. Est-ce clair ? C’est cependant avec M. le duc de Bisaccia que le ministère vient de faire campagne pour l’ajournement des lois constitutionnelles, et, on peut le dire, contre lui-même, contre le pouvoir de M. le maréchal de Mac-Mahon. Voilà donc où nous en sommes, voilà où l’on nous laisse au seuil de ces vacances tant désirées. Le dernier mot, c’est une assemblée qui vient de laisser trop voir son impuissance et un gouvernement contesté dans son principe par ceux qui semblent le soutenir. Que peut penser le pays ? quelles raisons de sécurité et de confiance peut-il trouver dans des promesses d’organisation sans cesse ajournées ? Que peut-on penser au dehors des affaires de la France ? Si les partis sont insensibles aux plaintes du pays, aux tristesses des esprits sincères, qu’ils écoutent ce qui vient du dehors, ce que M. Disraeli disait ces jours derniers au banquet du lord-maire en témoignant ses craintes sur certaines nations de l’Europe, autrefois privilégiées de la fortune, aujourd’hui réduites à reconquérir péniblement leur rang. Il y a des paroles dures à entendre, et profitables pour les peuples virils !

Les affaires de l’Espagne ne justifient peut-être que trop ce sentiment de sollicitude un peu hautaine que M. Disraeli exprimait à Mansion-House à l’égard de ces nations de l’Europe qu’il désignait assez sans les nommer. Les efforts qu’elle fait pour se délivrer, pour dompter l’insurrection carliste avant de régulariser sa situation intérieure par la reconstitution d’un gouvernement, ces efforts n’ont pas eu jusqu’ici beaucoup de succès. La mort du général Coucha, tué à la tête de ses troupes, il y a un mois, a été certainement un malheur. Elle a suspendu les opérations engagées en Navarre autour d’Estella ; elle a été le signal d’une retraite qui a ressemblé singulièrement à une déroute, et du même coup elle a redoublé l’audace des carlistes, qui ont pu se dire victorieux, qui l’étaient jusqu’à un certain point, puisqu’ils sont restés maîtres du terrain. Toutes les positions enlevées par Coucha au prix de combats sanglans ont dû être abandonnées ; l’armée, après avoir presque touché Estella, s’est repliée sur l’Èbre. C’était enfin une campagne à recommencer, et depuis ce moment le nouveau commandant en chef, le général Zabala, est occupé à reconstituer cette armée avant de la ramener au combat. Il attend des renforts, il attend sans doute aussi de l’argent pour payer ses soldats ; la plupart des chefs militaires ont été changés. Bref, l’heure de re-