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fendent dans leurs montagnes, s’ils tentent même en dehors de leurs lignes quelque pointe hardie, quelque incursion meurtrière, ils ne font politiquement aucun progrès ; mais, si les carlistes ne peuvent pas réussir, ils sont du moins assez forts pour prolonger une guerre qui, en désolant, en épuisant l’Espagne, compromet des intérêts plus généraux d’humanité ou de commerce, et finit par attirer l’attention des parlemens, des gouvernemens européens au point de provoquer tous ces bruits d’interventions, de représentations adressées à la France au sujet des secours que l’insurrection carliste trouverait sur notre frontière des Pyrénées.

Une intervention, c’est bientôt dit dans les journaux : en réalité on ne voit pas bien d’où elle pourrait venir, comment elle se produirait, au nom de quoi et dans quelles conditions elle se réaliserait. La conversation qui s’est engagée ces jours derniers à Londres, dans la chambre des lords, n’offre aucune lumière. L’Allemagne a un grief précis dans le meurtre d’un de ses nationaux, du capitaine Schmidt, accompli au camp du prétendant, et il n’est point impossible qu’elle n’ait quelque envie de se mêler des affaires de l’Espagne. On assure même qu’elle va envoyer quelques navires dans le golfe de Gascogne. Et après ? Si l’Allemagne voulait aller plus loin, elle expierait bientôt par l’impuissance ou par des embarras de toute sorte ses velléités d’intervention. Elle ne réussirait sans doute qu’à donner une popularité de circonstance au prétendant carliste en compromettant le pouvoir qu’elle accablerait de sa protection. Tout ce qu’on pourrait faire pour le moment en faveur des intérêts libéraux de l’Espagne serait de reconnaître le gouvernement qui existe à Madrid. Personne évidemment n’a de mauvais vouloir à l’égard de ce gouvernement ; ses envoyés sont bien reçus partout, à Paris comme à Londres ou à Rome, et, pour le reconnaître définitivement, on n’attend que de le voir légalisé par des cortès, par une assemblée nationale. C’est au général Serrano de hâter le moment où il peut avoir, dans sa lutte contre les carlistes, cette force d’un pouvoir diplomatiquement et officiellement reconnu par l’Europe. En dehors de cela, l’Europe ne peut certainement s’engager dans une intervention sans objet précis et sans issue. Quant aux représentations qui auraient été adressées au gouvernement français au sujet de ses prétendues connivences avec les carlistes, le vieux lord John Russell en parlait bien à l’aise, c’est-à-dire assez légèrement, l’autre jour, et le chef du foreign office, lord Derby, a eu un langage infiniment plus mesuré.

D’où viendraient ces représentations et sur quoi se fonderaient-elles ? La France est à coup sûr la première intéressée à voir cesser la guerre néfaste qui se poursuit près de sa frontière. Que des légitimistes extrêmes, qui ont fait ce qu’ils ont pu pour amener des conflits avec l’Italie et qui ont échoué, appuient maintenant de leurs sympathies le prétendant espagnol et croient servir ainsi la légitimité parmi nous, c’est pos-