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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/724

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sible. La France ne trouverait évidemment que des embarras, des dangers de toute nature dans une victoire de la cause carliste au-delà des Pyrénées, et on ne peut pas prêter à un gouvernement français doué de quelque prévoyance la pensée d’aider sciemment, volontairement au succès de ce qui lui susciterait les complications les plus redoutables. S’il y a un préfet exposé par ses relations personnelles ou par des préférences d’opinion à montrer un peu trop de faiblesse pour les carlistes, rien de mieux que de le changer ; mais il ne faut rien exagérer. Il n’est pas si aisé de garder une frontière où les populations, les intérêts, sont souvent confondus, et la France, même avec la bonne volonté qu’on peut lui demander, n’a pas le pouvoir d’empêcher tout. Est-ce que la France est pour rien dans le débarquement de canons et de munitions opéré dernièrement sur la côte de Biscaye par un navire anglais ? Est-ce que la France pouvait empêcher la défaite de l’armée de Concha, l’entrée du prince Alphonse à Cuença ou l’exécution du capitaine Schmidt ? Si la frontière de l’Aragon reste souvent ouverte aux carlistes, est-ce que les autorités espagnoles ne s’y prêtent pas pour le moins autant que les autorités françaises ? Lord John Russell rappelait l’autre jour la quadruple alliance de 1834 et la première guerre de sept ans. À cette époque, la France, alliée de l’Angleterre et de la reine Isabelle, était obligée d’avoir un corps d’observation sur les Pyrénées, et plus d’une fois elle fut sur le point d’intervenir. On ne peut pourtant pas aujourd’hui lui faire une obligation d’envoyer un corps d’armée, et c’est un étrange abus de rejeter sur elle la responsabihté d’une situation dont elle est la première à souffrir. Si l’Europe veut prendre des mesures pour faire cesser une guerre barbare, la France ne s’y refusera certainement pas pour sa part ; elle y aidera dans son intérêt, comme dans l’intérêt de l’Espagne, c’est tout ce qu’on peut lui demander.

En attendant que l’Europe en soit à se faire la médiatrice des dissensions espagnoles et à vouloir mettre un frein aux barbaries des carlistes, elle vient de se donner une mission aussi difficile, aussi délicate qu’honorable, celle de tempérer par une sorte de code international les excès à peu près inséparables des grands conflits des peuples, de régulariser et d’adoucir les usages de la guerre. C’est le gouvernement russe qui a eu cette pensée, et c’est sur l’initiative du cabinet de Saint-Pétersbourg qu’un congrès en ce moment réuni à Bruxelles sous la présidence de M. le baron de Jomini, représentant du tsar, est occupé à résoudre ou du moins à étudier cet épineux problème qui n’est pas seulement une affaire d’humanité et de philanthropie, qui touche à bien des intérêts nationaux. Un code véritable, accepté, des droits et des usages de la guerre, il n’y a rien de semblable jusqu’ici. La seule chose qui s’en rapproche est un acte publié par le gouvernement des États-Unis à l’époque de la sécession, la grande « instruction pour les armées américaines en temps de guerre. » Il s’agirait de faire pour l’Europe ce