y gagne d’intérêt se devine sans peine. D’ailleurs, il faut le dire, si parmi les génies de l’antiquité les Japonais avaient le droit, toutes proportions gardées, de réclamer un patron, c’est à Aristophane qu’ils devraient s’adresser. Ils ont à un haut degré « la force comique, » le don de saisir les ridicules, de faire saillir le côté grotesque des choses humaines. Qui n’a souri devant leurs peintures sur soie, leurs netskés d’ivoire bizarrement sculptés, leurs ébauches fantaisistes de toute sorte? Et dans la littérature populaire, le conte, la fable, la caricature, avec quelle verve ils savent prendre sur le fait, au prix de quelque trivialité peut-être, les réalités de l’existence ! C’est donc le répertoire comique qui ouvre la plus large carrière à l’imagination et s’augmente chaque jour de nouvelles productions. Celle que nous allons étudier va nous faire pénétrer dans les affaires de famille et de cœur d’assez petites gens, et nous offrir par l’identité fortuite du sujet l’occasion d’un curieux parallèle avec l’une des œuvres les plus marquantes de notre théâtre contemporain. On l’appelle Kami-ya Djiyé ou Djiyé le papetier.
Un mot tout d’abord sur la qualité des personnages. Au Japon, la famille est une arche sainte qu’on ne saurait découvrir sans profanation. La mère, la jeune fille, la femme, ne peuvent sortir de limites très restreintes, et, tout en conservant une grande liberté d’aller et de venir, elles n’en ont aucune dans leurs affections. La liste des sentimens qu’elles peuvent avouer est très bornée, et l’amour même le plus chaste n’en fait point partie. Une jeune fille amoureuse révolterait les spectateurs les moins délicats et serait aussi difficilement admise que le serait en France une liaison purement vénale. C’est donc ailleurs que le drame, la comédie et le roman vont prendre leurs héroïnes; c’est parmi les seules femmes à qui les convenances sociales laissent la liberté du cœur, je veux dire celles qui habitent au Yoshivara. Tant s’en faut que la courtisane succombe ici sous le poids du mépris qui l’accable chez nous, son infériorité n’est pas une souillure. Le spectateur japonais peut sans dégoût la voir sur les planches occuper les premiers rôles, suivre le cours de ses instincts bons ou mauvais et même exercer son triste métier. Elle n’est point rejetée du monde moral, et cela s’explique, si l’on songe que jamais elle n’est responsable de sa conduite, — que, vendue en bas âge par l’autorité paternelle, elle ne fait que subir un joug et servir d’objet à une spéculation dont elle ne profite pas. Il n’est point si humble condition sociale qui n’ait sa hiérarchie : dans ce monde étrange, c’est la guécha (chanteuse) qui tient le premier rang. Celle-ci du moins jouit de certains privilèges; si elle ne peut point disposer de sa personne comme il lui convient, elle peut la refuser quand il lui plaît. Sa guitare suffit à satisfaire l’avidité de ses maîtres. — Au surplus ses rôles sont courts, et la