je suis réduit à la mendicité, tout cela pour elle, et elle se moque encore de moi !
— Vous êtes réduit à la mendicité, Akenty? Comment dois-je comprendre...
— Oh! vous ne comprendrez que trop! Ane que j’étais! je ne pensais qu’à épouser cette femme, et, triple sot, je ne songeais pas à Cyrille qui avait tué le mari et était devenu l’amant. N’étais-je pas...
— Sans doute tu étais le dernier des ânes, cria quelqu’un par la fenêtre ouverte.
C’était Cyrille, Akenty se mit à trembler de tous ses membres; Théodosie, en le voyant, eut un sourire de triomphe.
— Est-ce que je ne t’ai pas traité comme un âne qu’il faut battre jusqu’à ce qu’il cède? continua Cyrille. Je t’ai pris tes vaches, tes chevaux les uns après les autres, je t’ai débarrassé de ton habit neuf, de tes belles bottes, de ta montre, de tes titres de rente, j’ai ouvert aussi l’écluse de la digue et noyé tes semences, toute ta récolte, je l’ai fait et je ferai de même à qui courtisera cette femme; mais il paraît, vieil entêté, que tu n’es pas encore revenu de ta sotte idée. Faut-il donc que je t’abatte comme Maxime? Le faut-il?.. — À ces mots Cyrille enjamba la fenêtre et saisit par les cheveux le pauvre Akenty. Je tentai de l’apaiser pendant que Théodosie riait; Akenty s’efforçait de dégager ses cheveux que l’agresseur avait rassemblés en une sorte de queue, mais il n’osait toucher le terrible Cyrille. — Mon Dieu! bégaya-t-il, tu me tues! Lâche-moi, et je rendrai sa parole à Théodosie, mais lâche-moi, lâche-moi!
— Poltron ! s’écria la veuve avec dégoût.
— Ah! tu voulais la prendre pour femme ! disait Cyrille en frappant sans pitié le pauvre diable, tu voulais l’embrasser; tiens, voilà pour ton mufle, — il lui donna un grand soufflet, — tu voulais lui ôter ses souliers, tiens voilà ma botte, — il lui envoya un coup de pied, — et encore un autre ! — Théodosie riait toujours, tandis que les coups pleuvaient sur le dos d’Akenty. A la fin, le brigand empoigna Akenty demi-mort, et le lança par la fenêtre dans le ruisseau qui passait là; le malheureux barbota comme un petit chien, escalada péniblement l’autre rive, puis, s’étant secoué, prit sa course à toutes jambes.
— Tu me plais ainsi, dit Théodosie à son amant; il m’a rendu ma parole par peur de toi. Je vais te chercher du vin à la cave moi-même. — Et elle recommença de rire comme une folle; mais Cyrille restait dans un coin, les dents serrées et muet.
— Si les choses marchent ainsi, lui dis-je, cette femme te conduira sûrement à la potence. Accepte un travail honnête,... je t’en donnerai volontiers.
— Je veux bien travailler, dit Cyrille, seulement...