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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/841

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nord, expire si l’on remonte du midi. Mon retour à Lyon fut une vraie féerie, où ce caractère méridional alla s’accentuant toujours davantage. Cette rangée de collines aux formes pleines et douces, aux dimensions moyennes, si rapprochées qu’elles forment à leurs cimes comme une sorte de plateau continu où mon œil monte chercher sans effort un bouquet d’arbres transfiguré par la lumière mourante, crée en moi une hallucination délicieuse. Suis-je à Lyon, sur les rives de la Saône, ou bien à Rome, sur les rives du Tibre, en face de l’Aventin, ou à Florence, en face des collines qui bordent l’Arno? C’est le paysage italien, au moins pour la partie la plus essentielle, la structure, tellement le paysage italien que les édifices bâtis sur les flancs ou aux sommets des collines y composent exactement les mêmes tableaux que les édifices italiens construits d’une manière analogue. On me montre sur une hauteur un édifice d’une masse imposante, c’est un collège ecclésiastique, j’avais cru voir un palais à la façon de Florence et de Gênes; en arrivant à Fourvières, j’aperçois une sorte de monument de forme circulaire incliné sur le penchant de la colline d’un effet très heureux, une fabrique toute trouvée pour un paysage à la Poussin : c’est une usine abandonnée, si mes souvenirs sont exacts; j’avais cru voir un théâtre antique en ruines. La végétation seule est gauloise, et encore ce caractère disparaissait-il sous les magies du soir et les illusions de l’ombre croissante. Pendant que je longe la Saône plongé dans l’enchantement de ce spectacle, le souvenir de Cléopâtre abordant aux villes d’Orient dans sa barque aux royales parures me revient obstinément en mémoire. C’est qu’en effet il est impossible de concevoir un paysage fait mieux à souhait pour encadrer l’arrivée d’une grande reine, un fleuve plus majestueux pour porter à flots lents et calmes une flottille princière, un miroir plus vaste et plus uni pour refléter les gaies couleurs des bannières et des guirlandes, des rives plus aisées pour y dérouler la double haie des cavaliers et des gardes, un amphithéâtre naturel mieux préparé que ces charmantes collines pour y étager les essaims bourdonnans de la multitude à l’avide curiosité.


II. — LE NOUVEAU LYON. — LES SCULPTEURS LYONNAIS. — LA STATUE DU MARÉCHAL SUCHET.

Combien rarement les hommes savent et veulent profiter de dons qui leur sont faits! L’histoire de Lyon en est une preuve. La nature et les circonstances ont donné à Lyon tout ce qui est nécessaire pour faire une ville superbe, un cadre d’une rare beauté, une situation originale et commode entre deux grands fleuves, la qualité